Si l’ignorance de la nature donna la naissance aux dieux, la connaissance de la nature est faite pour les detruire. A mesure que l’homme s’instruit, ses forces at ses ressources augmentent avec ses lumieres; les sciences, les arts conservateurs, l’industrie, lui fournissent des secours; l’experience le rassure ou lui procure des moyens de resister aux efforts de bien des causes qui cessent de l’alarmer des qu’il les a connues. En un mot, ses terreurs se dissipent dans la meme proportion que son esprit s’eclaire. L’homnme instruit cesse d’etre superstitieux.
Ce n’est jamais que sur parole que des peuples entiers adorent le Dieu de leurs peres at de leurs pretres: l’autorite, la confiance, la soumission, et l’habitude leur tiennent lieu de conviction et de preuves; ils se prosternent et prient, parce que leurs peres leur out appris a se prosterner at prier: mais pourquoi ceux-ci se sont-ils mis a genoux? C’est que dans les temps eloignes leurs legislateurs et leurs guides leur en ont fait un devoir. ‘Adorez at croyez,’ ont-ils dit, ’des dieux que vous ne pouvez comprendre; rapportez-vous-en a notre sagesse profonde; nous en savons plus que vous sur la divinite.’ Mais pourquoi m’en rapporterais-je a vous? C’est que Dieu le veut ainsi, c’est que Dieu vous punira si vous osez resister. Mais ce Dieu n’est-il donc pas la chose en question? Cependant las hommes se sont toujours payes de ce cercle vicieux; la paresse de leur esprit leur fit trouver plus court de s’en rapporter au jugament des autres. Toutes las notions religieuses sent fondees uniquement sur l’autorite; toutes les religions du monde defendent l’examen et ne veulent pas que l’on raisonne; c’est l’autorite qui veut qu’on croie en Dieu; ce Dieu n’est lui-meme fonde que sur l’autorite de quelques hommes qui pretendent le connaitre, et venir de sa part pour l’annoncer a la terre. Un Dieu fait par les hommes a sans doute bosom des hommes pour se faire connaitre aux hommes.