“Au Reverend Monsieur Bronte, Pasteur Evangelique, &c, &c.
“Samedi, 5 Obre.
“MONSIEUR,
“Un evenement bien triste decide mesdemoiselles vas filles a retourner brusquement en Angleterre, ce depart qui nous afflige beaucoup a cependant ma complete approbation; il est bien naturel qu’elles cherchent a vous consoler de ce que le ciel vient de vous oter, on se serrant autour de vous, poui mieux vous faire apprecier ce que le ciel vous a donne et ce qu’il vous laisse encore. J’espere que vous me pardonnerez, Monsieur, de profiter de cette circonstance pour vous faire parvenir l’expression de mon respect; je n’ai pas l’honneur de vous connaitre personnellement, et cependant j’eprouve pour votre personne un sentiment de sincere veneration, car en jugeant un pere de famille par ses enfants on ne risque pas de se tromper, et sous ce rapport l’education et les sentiments que nous avons trouves dans mesdemoiselles vos filles n’ont pu que nous donner une tres-haute idee de votre merite et de votre caractere. Vous apprendrez sans doute avec plaisir que vos enfants ont fait du progres tresremarquable dans toutes les branches de l’enseignenient, et que ces progres sont entierement du a leur amour pour le travail et a leur perseverance; nous n’avons eu que bien peu a faire avec de pareilles eleves; leur avancement est votre oeuvre bien plus que la notre; nous n’avons pas eu a leur apprendre le prix du temps et de l’instruction, elles avaient appris tout cela dans la maison paternelle, et nous n’avons eu, pour notre part, que le faible merite de diriger leurs efforts et de fournir un aliment convenable a la louable activite que vos filles ont puisees dans votre exemple et dans vos lecons. Puissent les eloges meritees que nous donnons a vos enfants vous etre de quelque consolation dans le malheur que vous afflige; c’est la notre espoir en vous ecrivant, et ce sera, pour Mesdemoiselles Charlotte et Emily, une douce et belle recompense de leurs travaux.
“En perdant nos deux cheres eleves, nous ne devons pas vous cacher que nous eprouvons a la fois et du chagrin et de l’inquietude; nous sommes affliges parce que cette brusque separation vient briser l’affection presque paternelle que nous leur avons vouee, et notre peine s’augmente a la vue de tant de travaux interrompues, de tant de choses bien commencees, et qui ne demandent que quelque temps encore pour etre menees a bonne fin. Dans un an, chacune de vos demoiselles eut ete entierement premunie contre les eventualites de l’avenir; chacune d’elles acquerait a la fois et l’instruction et la science d’enseignement; Mlle Emily allait apprendre le piano; recevoir les lecons du meilleur professeur que nous ayons en Belgique, et deja elle avait elle-meme de petites eleves; elle perdait donc a la fois un reste d’ignorance et un reste plus genant encore de timidite; Mlle Charlotte commencait a donner des lecons en francais, et d’acquerir