De la folie aimable lot
Don plus brillant que la richesse,
Et que je nommerai sagesse
Si je ne craignois le fagot,
C’est toi que je chante
o Grelot!
Hochet heureux de tous les
ages
L’homme est a toi des
le maillot,
Mais dans tes nombreux appanages
Jamais tu ne comptas le sot:
De tes sons mitiges le sage
En tapinois se rejouit
Tandis que l’insense
jouit
Du plaisir de faire tapage.
Plus envie que dedaigne
Par cette espece atrabilaire
Qui pense qu’un air
refrogne
La met au dessus du vulgaire,
La privation de tes bienfaits
Seule fait naitre sa satyre;
Charmante idole du Francois
Chez lui reside ton empire:
Tes detracteurs font les pedans,
Les avares et les amans
De cette gloire destructive
Qui peuple l’infernale
rive,
Et remplit l’univers
d’exces.
L’ambitieux dans son
delire
N’eprouve que de noirs
acces,
Le genre-humain seroit en
paix,
Si les conquerans savoient
rire.
Contre ce principe evident
C’est en vain qu’un
censeur declame,
Le mal ne se fait en riant.
Si de toi provient l’epigrame,
Son tour heureux ne’est
que plaisant
Et ne nuit jamais qu’au
mechant
Que sa conscience decele.
Nomme t-on la rose cruelle
Lorsqu’un mal-adroit
la cueillant
Se blesse lui-meme au tranchant
De l’epine qu’avec
prudence
Nature fit pour sa defense.
Tes simples et faciles jeux
Prolongent dit-on notre enfance
Censeur, que te faut-il de
mieux!
Des abus, le plus dangereux,
Le plus voisin de la demence
Est de donner trop d’importance
A ces chimeres dont les cieux
Ont compose notre existence
Notre devoir est d’etre
heureux
A moins de frais, a moins
de voeux
De l’homme est toute
la science.
Par tes sons toujours enchanteurs
Tu fais fuir la froide vieillesse
Ou plutot la couvrant de fleurs
Tu lui rends l’air de
la jeunesse.
Du temps tu trompes la lenteur,
Par toi chaque heure est une
fete
Democrite fut ton Docteur
Anacreon fut ton Prophete;
Tous deux pour sages reconnus,
L’un riant des humains
abus
Te fit sonner dans sa retraite
L’autre chantant a la
guingette
Te donna pour pomme a Venus
Apres eux ma simple musette
T’offre ses accens ingenus
Charmant Grelot, sur ta clochette
Je veux moduler tous mes vers,
Sois toujours la douce amusette
Source de mes plaisirs divers
Heureux qui te garde en cachette
Et se passe l’univers.
Le Printems.
Epitre a Mons. D——