La fete du printemps approche; Ujjayini, la ville aux riches marchands et la capitale intellectuelle de l’Inde, glorieuse et prospere sous un roi victorieux et sage, se prepare a celebrer la solennite avec une pompe digne de son opulence et de son gout.... L’auteur applaudi de Malavika ... le poete dont le souple genie s’accommode sans effort au ton de l’epopee ou de l’elegie, Kalidasa vient d’achever une comedie heroique annoncee comme un chef-d’oeuvre par la voix de ses amis.... Le poete a ses comediens, qu’il a eprouves et dresses a sa maniere avec Malavika. Les comediens suivront leur poete familier, devenu leur maitre et leur ami.... Leur solide instruction, leur gout epure reconnaissent les qualites maitresses de l’oeuvre, l’habilete de l’intrigue, le juste equilibre des sentiments, la fraicheur de l’imagination ...
Vikramaditya entre, suivi des courtisans, et s’asseoit sur son trone; ses femmes restent a sa gauche; a sa droite les rois vassaux accourus pour rendre leurs hommages, les princes, les hauts fonctionnaires, les litterateurs et les savants, groupes autour de Varaha-mihira l’astrologue et d’Amarasimha le lexicographe ...
Tout a coup, les deux jolies figurantes placees devant le rideau de la coulisse en ecartent les plis, et Duhsanta, l’arc et les fleches a la main, parait monte sur un char; son cocher tient les renes; lances a la poursuite d’une gazelle imaginaire, ils simulent par leurs gestes la rapidite de la course; leurs stances pittoresques et descriptives suggerent a l’imagination un decor que la peinture serait impuissante a tracer. Ils approchent de l’ermitage; le roi descend a terre, congedie le cocher, les chevaux et le char, entend les voix des jeunes filles et se cache. Un mouvement de curiosite agite les spectateurs; fille d’une Apsaras et creation de Kalidasa, Cakuntala reunit tous les charmes; l’actrice saura-t-elle repondre a l’attente des connaisseurs et realiser l’ideal? Elle parait, vetue d’une simple tunique d’ecorce qui semble cacher ses formes et par un contraste habile les embellit encore; la ligne arrondie du visage, les yeux longs, d’un bleu sombre, langoureux, les seins opulents mal emprisonnes, les bras delicats laissent a deviner les beautes que le costume ascetique derobe. Son attitude, ses gestes ravissent a la fois les regards et les coeurs; elle parle, et sa voix est un chant. La cour de Vikramaditya fremit d’une emotion sereine et profonde: un chef-d’oeuvre nouveau vient d’entrer dans l’immortalite.
FOOTNOTES:
[Footnote 1: The Hindu equivalent of “for better, for worse.”]
[Footnote 2: Le Theatre Indien, pages 368-371. This is without competition the best work in which any part of the Sanskrit literature has been treated, combining erudition, imagination, and taste. The book is itself literature of a high order. The passage is unfortunately too long to be quoted entire.]