“Pour detruire le pouvoir politique de l’aristocratie, il faudrait lui oter l’application quotidienne des lois, comme on l’a privee precedemment adu pouvoir de les faire. Il faudrait, par consequent, modifier profondement le systeme administratif et judiciaire qui repose sur l’institution des juges de paix et sur l’organisation des grands jurys, tels qu’ils sont constitues aujourd’hui. Et d’abord, pour executer cette reforme, il faudrait centraliser le pouvoir.
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“Plus on considere l’etat de l’Irlande, et plus il semble qu’a tout prendre un gouvernement central fortement constitue serait, du moins pour quelque temps, le meilleur que puisse avoir ce pays. Une aristocratie existe, qu’on veut reformer. Mais a qui remettre le pouvoir qu’on va retirer de ses mains? Aux classes moyennes?—Elles ne font que de naitre en Irlande. L’avenir leur appartient; mats ne compromettront-elles pas cet avenir, si la charge de mener la societe est confiee des aujourd’hui a leurs mains inhabiles et a leurs ardentes passions?
"Telle est aujourd’hui en Irlande la situation des partis, que l’on ne peut obtenir quelque justice des pouvoirs politiques, si on les laisse a l’aristocratie protestante, et que l’on ne saurait guere en esperer davantage, si on les donne aussitot a la classe moyenne catholique qui s’eleve.
"Ce qu’il faudrait a l’Irlande, ce serait une administration superieure aux partis, a l’ombre de laquelle les classes moyennes pussent grandir, se developper et s’instruire, pendant que l’aristocratie perdrait son pouvoir.
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"Il n’entre, du reste, ni dans mon desir, ni dans mon plan, d’expliquer la forme et le mecanisme de la centralisation qui conviendrait a l’Irlande, et dont je me borne a reconnaitre en principe l’utilite passagere pour ce pays; je ne hasarderai, sur ce sujet, qu’une seule idee pratique.
"C’est que, pour organiser en Irlande un gouvernement central puissant, il faudrait de plus en plus resserrer le lien d’union qui attache l’Irlande a l’Angleterre, rapprocher le plus possible Dublin de Londres, et faire de l’Irlande un comte anglais.
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"On ne conteste point que l’Irlande ait besoin d’un gouvernement special; et s’il y a necessite de la soumettre a un regime legislatif autre que celui de l’Angleterre, il faut bien aussi des agents particuliers pour appliquer des regles differentes d’administration. Mais, ceci etant admis, l’on ne voit pas ce qui aujourd’hui empecherait de placer le siege du gouvernement irlandais dans la premiere ville de l’empire britannique.