“Voila donc probablement les sources ou la nature puise peu a peu la terre vegetable dont elle recouvre la surface de nos continens. Ce sont les particules, peut-etre, de tous les corps tant solides que fluides, extraites ou fixees par des procedes qui les rapprochent de leurs premiers elemens, et leur font prendre a nos yeux une meme apparence. Ces particules sont ainsi rendues propres a circuler dans les semences des plantes, a en etendre le tissu a y prendre toutes les proprietes qui caracterisent chaque espece, et a les conserver tant que la plante existe. Ces memes particules, apres la destruction des plantes, prennent le caractere general de terre vegetable, c’est-a-dire de provision toute faite pour la vegetation.
“Les plus petits recoins des montagnes, qui peuvent arreter l’eau de la pluie, sont certainement fertilises; ce ne sont pas seulement les grandes surfaces plates, ni les pentes; ce sont meme les faces escarpees des rochers les plus durs. S’il s’y fait quelque crevasse, un arbre s’y etablit bientot; et souvent il contribue, par l’accroissement de ses racines, a accelerer la chute du lambeau de rocher qui l’avoit recu. S’il y a quelque petite terrasse, ou seulement quelque partie saillante grande comme la main, elle est bientot gazonnee. Les plus petites sinuosites se peuplent de plantes; et les surfaces les plus unies, celles memes qui sont tournees vers la bas, recoivent au moins quelqu’une de ces mousses plates, nommes lichen par les botanistes, qui ne font en apparence que passer une couleur sur la pierre. Mais cette couche est ecaillee, et elle loge bientot de petites plantes dans ses replis; de celles qui veulent l’ardeur du soleil, si le rocher est au midi, ou la fraicheur de l’ombre, s’il est au nord: c’est sur ces rochers en un mot, qui paroissent nues aux spectateurs ordinaires, que se trouve la plus grande variete de ces petites plantes, qui font les delices des botanistes, et l’une des sources les plus abondantes ou la medicine puise les secours reels qu’elle fournit a l’humanite.