[Footnote 8: Histoire de la Terre, Tom. 2. page 26.]
“Quand la mousse a multiplie ses filets, les depots s’augmentent plus rapidement encore; les brins de la mousse, en sechant et pourrissant, en forment eux-memes; car leur substance n’etoit que ces memes depots faconnes: d’autres semences charriees par l’air, qui au-paravant glissaient sur les pierres, parce que rien ne les retenoit, tombent dans le fond de la mousse, et y trouvent l’humidite necessaire pour produire leurs premieres racines: celles-ci s’entrelassent dans la mousse, ou elles se conservent a l’abri du soleil, et sont alors autant de petites bouches qui pompent les sucs, que l’air, les pluies, et les rosees y deposent. Ces premieres plantes sont foibles, quelque fois meme elles ne parviennent pas a leur perfection: mais elles ont contribue a fixer la terre vegetable. En sechant et se decomposant, elles se transforment en cette terre, qui tombe au fond de la mousse, et qui prepare ainsi de la nourriture pour de nouvelles plantes qui alors prosperent et fructifient.
“Nous connoissons peu encore ce que c’est que cette terre vegetable, ce depot des pluies ou en general de l’air. Cependant, en rassemblant les phenomenes, on peut conjecturer, que la plupart des corps terrestres sont susceptibles d’etre changes en cette substance, et qu’il ne s’agit pour cette transformation que de les decomposer. J’entends par la une telle division de leurs parties, que devenant presque des elemens, elles puissent etre intimement melees a l’eau, et pompees avec elle par les tuyaux capillaires des plantes. En un mot, il semble suffisant qu’une matiere puisse entrer en circulation dans les vegetaux, pour qu’elle serve a en developper le tissu, et qu’elle y prenne la figure et les qualites que chacun de ces laboratoires est propres a produire.
“Nous pouvons accelerer de bien des manieres la transformation des matieres terrestres en terre vegetable. La fermentation, la calcination, une plus grande exposition a l’air, differens melanges, rendent propres a la vegetation, des matieres qui ne l’etoient par elles-memes: voila ce que peuvent nos soins. Mais l’air travaille sans cesse et en mille manieres. Son simple frottement sur tous les corps, en enleve des particules si attenuees que nous ne les reconnoissons plus. La poussiere de nos appartemens en est peut-etre un exemple. De quelque nature que soient les corps dont elle se detache, c’est une poudre grisatre qui semble etre partout la meme. La formation de la terre vegetable a probablement quelque rapport a celle-la. Toute la surface de la terre, les rocs les plus durs, les sables et les graviers les plus arides, les metaux meme, eprouvent l’action rongeante de l’air et leurs particules attenuees, decomposees, recomposees de mille manieres, sont probablement la source principal de la vegetation. L’air lui-meme ainsi que l’eau, s’y combinent: