(p. 86.) “Les pierres que les eaux du Val de Canfrac entrainent, sont rarement usees dans leurs angles; on en trouve peu dont la figure soit arrondie, comme celle des pierres que roulent les torrens de la partie septentrionale des Pyrenees; le sol des environs de Jacia, plus eleve que celui des plaines du cote de la France, s’oppose a ce qu’elles soient emportees a d’assez grandes distances, et avec la rapidite necessaire pour recevoir, par un long frottement, une figure arrondie: on ne voit point de pierres roulees dans les plaines qui entourent cette ville, les bancs calcaires ne sont couverts que d’une croute de terre peu epaisse; un telle formation differe de celle qu’on observe au pied des monts Pyrenees, du cote de la France, ou le sol de plusieurs contrees est compose des debris que les rivieres y ont deposes[6]; une partie de l’Egypte, selon Herodote, a ete pareillement formee des matieres que le Nil y a apportees; Aristotle la nomme l’ouvrage du fleuve: c’est pourquoi les Ethiopiens se vantoient que l’Egypte leur etoit redevable de son origine. Les habitans de Pyrenees pourroient dire la meme chose de presque toutes les contrees situees le long de la chaine septentrionale, depuis l’ocean jusqu’a la Mediterranee, et qui forment cette espace d’isthme qui separe les deux mers: c’est ainsi que la nature change continuellement la surface de notre globe; elle eleve les plaines, abaisse les montagnes; et l’eau est principal agent qu’elle emploie pour operer ces grandes revolutions; il ne faut que du temps, pour que le mot de Louis XIV. a son petit-fils, se realise. La posterite pourra dire un jour; il n’y a plus de Pyrenees. On concoit combien cette epoque est eloignee de nous. M. Gensanne a trouve, par des observations qu’il pretend non equivoques, que la surface de ces montagnes baisse d’environ dix pouces par siecle; ainsi, en les supposant seulement de quinze cens toises au-dessus du niveau de la mer, et toujours susceptibles du meme degre d’abaissement, il s’ecoulera un million d’annees avant leur destruction totale.”
[Footnote 6: The notion, that the water-worn gravel, which we so frequently find upon the surface of the earth, had been the effect of rivers transporting the rocks and stones, is not accurate or in perfect science. That stones are thus continually transported is certain; it is also indisputable, that in this operation they are broken and worn by attrition, more or less; but, that angular stones of the hardest substance are thus made into that round gravel, which we find so abundantly in many places forming the soil or loose materials of the surface, is a conclusion which does not necessarily follow from the premises, so far as there is another way of explaining those appearances, and that by a cause much more proportioned to the effect.