sous nos yeux; il a une espece de niveau qui va un
peu en pente du cote du midi, et du cote du Nord par
lesquels se fait l’ecoulement des eaux fournies
par la fonte des neiges, dont la Reuss et le Tessin
sont les canaux. Des masses etonnantes de rochers
remplissent la surface de ce vallon: elles y
sont placees dans une desordre qui ne ressemble point
aux positions des rochers actuels, et autorise a croire
qu’elles y ont ete jetees et culbutees au hazard.
Ces masses isolees sont toutes de granit, compose
de quartz, de feldspath, et de mica verdatre; le chemin
qui traverse ce vallon tourne autour de ces masses.
Il faut que les pics eleves qui bordent ce vallon ayent
ete beaucoup plus hauts qu’ils ne le sont actuellement
pour avoir pu fournir a combler cette etendue, qui
a une lieue au moins. Il n’est pas douteux
non plus, que les vastes montagnes qui font au pied
de toutes celles qui forment l’enceinte du Gothard,
au moyen desquelles on trouve un acces plus facile,
et des rampes moins rapides pour s’elevent comme
par degres a cette hauteur, qui composent enfin ces
montagnes de seconde et de troisieme formation, ne
doivent leur existence qu’aux debris de ces
colosses qui dominent tout. L’examen de
ce qui se passe sous nos yeux journellement, ne peut
nous laisser aucun doute sur l’abaissement de
montagnes. Il n’y a point de torrent, point
d’ecoulement d’eaux, quelque petit qu’il
soit, qui n’entraine en descendant des montagnes,
des terres, des graviers, ou des sables, pour les
porter plus bas. Les grands torrens, les fleuves,
les rivieres, gonfles par les fontes subites des glaces
et des neiges, entrainent des rochers entieres, creusent
de vastes et profonds ravins; ces masses de rochers
diminuent par le choc et le frottement qu’elles
essuient entre elles, et sur les rochers sur lesquels
elles passent, dont elles occasionnent reciproquement
la destruction; ce sont des debris de cette espece
de trituration qui troublent les eaux, et dont le depot
eleve insensiblement les bords des rivieres, forme
le limon fecondant de nos plaines, et va former jusque
dans le sein des mers ces atterrissemens, ces barres,
et ces bancs qui en reculent les bornes. Les rochers
les plus durs, ces granits que les meilleurs outils
ont tant de peine a faconner, ne resistent point au
tems et aux intemperies des saisons; leur superficie
se denature et se decompose souvent au point de ne
pas les reconnoitre: des lichens, des petites
mousses s’insinuent dans leur tissu, l’eau
y penetre, et la gelee separe leurs parties; s’ils
se trouvent place sur une pente de facon a pouvoir
etre entraine par les eaux, la plus grosse masse est
bientot reduite a peu de chose, apres avoir parcouru
un plan incline; quels changemens ne doit pas avoir
opere cette marche constante de la nature. A
quel point n’est elle pas rendu meconnoissable
la superficie du globe que nous habitons. Pour
peu qu’on reflechisse que les montagnes fournissent
continuellement aux plaines, et que celle-ci ne rendent