“Sec. 939. L’inclinaison du Cramont et de la chaine contre le Mont-Blanc, n’est donc pas un phenomene qui n’appartienne qu’a cette seule montagne; il est commun a toutes les montagnes primitives, dont c’est une loi generale que les secondaires qui les bordent, ont de part et d’autre leurs couches ascendantes vers elles. C’est sur le Cramont, que je fis pour la premiere fois, cette observation alors nouvelle, que j’ai verifie ensuite sur un grand nombre d’autres montagnes, non pas seulement dans la chaine des Alpes, mais encore dans diverses autres chaines, comme je le ferai voir dans le IVe. volume. Les preuves multipliees que j’en avois sous les yeux au moment ou je l’eus faite, et d’autres analogues que ma memoire me rappela d’abord, me firent soupconner son universalite, et je la liai immediatement aux observations que je venois de faire sur la structure du Mont-Blanc et de la chaine primitive dont il fait partie. Je voyois cette chaine composee de feuillets que l’on pouvoit considerer comme des couches; je voyois ces couches verticales dans le centre de cette chaine et celles des secondaires presque verticales dans le point de leur contact avec elles, le devenir moins a de plus grandes distances, et s’approcher peu-a-peu de la situation horizontale a mesure qu’elles s’eloignoient de leur point d’appui. Je voyois ainsi les nuances entre les primitives et les secondaires, que j’avois deja observees dans la matiere dont elles sont composees, s’etendre aussi a la forme et a la situation de leurs couches; puisque les sommites secondaires que j’avois la sous les yeux se terminoient en lames piramidales aigues et tranchantes, tout comme le Mont-Blanc, et les montagnes primitives de la chaine. Je conclus de tout ces rapports, que, puisque les montagnes secondaires avoient ete formees dans le sein des eaux, il falloit que les primitives eussent aussi la meme origine. Retracant alors dans ma tete la suite des grandes revolutions qu’a subies notre globe, je vis la mer, couvrant jadis toute la surface du globe, former par des depots et des crystallisations successives, d’abord les montagnes primitives puis les secondaires; je vis ces matieres s’arranger horizontalement par couches concentriques; et ensuite le feu ou d’autres fluides elastiques renfermes dans l’interieur du globe, soulever et rompre cette ecorce, et faire sortir ainsi la partie interieure et primitive de cette meme ecorce, tandis que ses parties exterieures ou secondaires demeuroient appuyees contre les couches interieures. Je vis ensuite les eaux se precipiter dans les gouffres creves et vides par l’explosion des fluides elastiques; et ces eaux, en courant a ces gouffres, entrainer a de grandes distances ces blocs enormes que nous trouvons epars dans nos plaines. Je vis enfin apres la retraite des eaux les germes des plantes et des animaux, fecondes par l’air nouvellement produit, commencer a se developper, et sur la terre abandonnee par les eaux, et dans les eaux memes, qui s’arreterent dans les cavites de la surface.