“On peut prendre une idee legere et imparfaite de cette majestueuse enceint, en se la figurant comme un amphitheatre moins remarquable par la vaste etendue de son arene que par la hauteur prodigieuse de ses murs qui, par-tout bordes de parties saillantes, d’echancrures profondes, et herisses de rochers dont la ruine est prochaine, se sont entierement ecroules du cote du nord; elle-est couronnee vers le sud par deux sommets cylindriques recouverts d’une croute epaisse de neige durcie, et que leur forme a fait nommer tour de marbre. Au-dessous se succedent, en forme de gradins, de vastes platte bandes d’une neige qui ne disparoit jamais, et qui ne cesse point de se fondre insensiblement. Les eaux produites par cette stillation continuelle se divisent en sept ou huit petits torrens qui naissant sous ces lits de glace, et roulent sur le penchant rapide de la montagne ou jaillissent en cascades, quand elle se trouve coupee a pic. L’un de ces torrens venant du cote de l’est et dont le volume surpasse celui de tous les autres ensemble, se precipite du haut d’un rocher qui s’avance en saillie, et tombe avec un bruit horrible a plus de 1200 pieds de profondeur. Ses eaux, divisees dans les airs et reduites comme en poussiere, forment autour de la cascade un brouillard suspendu qui derobe aux yeux du spectateur tout son volume et la vitesse de sa chute. L’arene ou se reunissent toutes ces eaux et ou commence le Gave, est de forme irreguliere; sa surface inegale offre tantot de grands plateaux de neige, des blocs de rochers ecroules et d’autre debris attenue et reduits a l’etat terreux ou vegetent de belles plantes que le soleil eclaire a peine. Le Gave, en tombant sur les amas de neige, y a creuse un gouffre au fond duquel le soleil avant son declin peint le cercle colore de l’iris. Les eaux disparoissent sous la neige et renaissent ensuite comme sous un pont etroit ou sou la voute d’un aqueduc; elles serpentent, se replient a travers les ruines amoncelees, et surmontent les obstacles qui s’opposent a leur sortie.