“Sec. 690. On comprendra sans peine la raison de cet etonnement si l’on considere qu’il est impossible que ces poudingues aient ete formees dans cette situation.
“Que des particules de la plus extreme tenuite, suspendues dans un liquide, puissent s’agglutiner entr’elles et former des couches verticales, c’est ce que nous avons la preuve en fait dans les albatres, les agathes, et meme dans les crystallizations artificielles. Mais qu’une pierre toute formee, de la grosseur de la tete, se soit arretee au milieu d’une parois verticale, et ait attendu la que les petites particules de la pierre vinssent l’envelopper, la souder et la fixer dans cette place, c’est une supposition absurde et impossible. Il faut donc regarder comme une chose demontree, que ces poudingues ont ete formes dans une position horizontale, ou a peu-pres telle, et redresses, ensuite apres leurs endurcissement. Quelle est la cause qui les a redresses? c’est ce que nous ignorons encore; mais c’est deja un pas, et un pas important, au milieu de la quantite prodigieuse de couches verticales que nous rencontrons dans nos Alpes, que d’en avoir trouve quelques-unes dont on soit parfaitement sur qu’elles ont ete formees dans une situation horizontale.
“Sec. 691. La nature meme de la matiere qu’enveloppe les cailloux de ces poudingues rend ce fait plus curieux et plus decisif. Car si c’etoit une pate informe et grossiere, on pourroit croire que ces cailloux et la pate qui les lie ont ete jetes pele-mele dans quelques crevasses verticales, ou la partie liquide c’est endurcie par le dessechement. Mais bien loin de-la, le tissu de cette pate est d’une finesse admirables; c’est une schiste, dont les feuillets elementaires sont excessivement minces, meles de mica, et parfaitement paralleles aux plans qui divisent les couches de la pierre. Ces couches memes sont tres-regulieres, bien suives et de differentes epaisseurs, depuis une demi pouce jusques a plusieurs pieds. Celles qui sont minces contiennent peu et quelquefois point de cailloux etrangers, et on observe quelques alternatives de ces couches minces sans cailloux et des couches epaisses qui en contiennent. La couleur du fond de ce schiste varie beaucoup; il est ici gris, la verdatre, le plus souvent violet ou rougeatre; on en voit aussi qui est marbre de ces differentes couleurs. Ses couches sont dirigees du nord au sud exactement comme celles des roches granitoides qui sont au-dessous, Sec. 688. mais l’inclinaison du schiste est beaucoup plus grande, ses couches sont souvent tout-a-fait verticales, et lorsqu’elles ne le sont pas, elles montent de quelques degres du meme cote que les roches dont je viens de parler; c’est-a-dire, du cote de l’ouest.