“Comme je ne voulois monter sur le Breven que lendemain, j’employai le reste de la journee a observer les environs du chalet. J’examinai surtout avec soin des rochers situes a une demi-lieue au nord au-dessus du chalet, qui de loin paroissent colores en rouge, comme plusieurs sommites de cette chaine: c’est par cette raison qu’elle porte le nom d’Aiguilles-rouges.
“Sec. 642. Je trouvai que c’etoient encore des granits veines, melanges de quartz, de feldspath, de mica et de fer qui colore la pierre en se decomposant au-dehors: cette teinte penetre meme quelquefois assez avant dans l’interieur. Ces rochers sont divises par couches bien distinctes, a-peu-pres verticales, et dans la direction de l’aiguille aimantee, comme celles que j’avois observees au-dessous du chalet. Ces couches sont coupees par des fentes a-peu-pres perpendiculaires a leurs plans, et qui sont pour la plupart paralleles a l’horison, de maniere que ces rochers se trouvent ainsi divises en grandes pieces de forme a-peu-pres rhomboidale. Les veines memes interieures de la pierre sont aussi tres-bien prononcees, et exactement paralleles a ses couches; observation generale et de la plus grande importance, parce qu’elle prouve que ces couches sont bien de vraies couches, et non point des fissures produites fortuitement par la retraite ou par un affaissement inegal des parties du rocher. Ces veines sont dessinees sur le fond blanc de la pierre des feuillets minces de mica noiratre; elles sont tantot planes, tantot ondees, mais toujours regulieres et paralleles entr’elles, excepte la ou il se rencontre des noeuds; encore reprennent-elles leur direction apres en avoir fait le tour. Comme le mica s’y trouve en petite quantite, la pierre est dure, et ne se brise qu’a grands coups de marteau. Lorsqu’on l’observe de pres dans sa cassure, on voit que les petites lames ou ecailles de mica sont constamment couchees dans le sens des veines de la pierre. Ces memes ecailles n’ont presque aucune adherence entr’elles, en sorte que les feuillets dont la pierre est composee, n’adherent entr’eux que par les points ou il ne se trouve point de mica.
“Sec. 643. Je me demandois a moi-meme, en observant cette pierre, s’il etoit possible qu’elle eut ete formee dans cette situation verticale; si ces ecailles incoherentes auroient pu venir s’attacher a ces murs verticaux, et si le mouvement des eaux, clairement indique par le tissu feuillete de la pierre, n’auroit pas du les detacher et les faire tomber a mesure qu’elles se formoient. Je me demandois encore, si les fentes qui coupent ces feuillets, perpendiculairement a leurs plans, ne dateroient point d’un tems ou ces couches auroient ete horisontales, et n’auroient point ete produites alors par le poids et l’affaissement inegal des parties de la pierre. Mais pour admettre cette supposition, il faudroit expliquer comment ces bancs, d’abord horisontaux, ont pu se redresser; pourquoi ce redressement a ete si frequent, si regulier, etc. etc. Je reserve pour un autre tems la discussion de ces grandes questions; mais je ne crois pas inutile de faire apercevoir la liaison qu’ont avec la theorie des observations si minutieuses en apparence.