“Dans les quatre etats du nord et dans ceux du midi, les noirs libres sont, ou domestiques, ou tiennent de petites boutiques, ou cultivent la terre. Vous en voyez quelques-unes sur les batimens destines au cabotage. Peu osent se hasarder sur les vaisseau employes aux voyages de long cours, parce qu’ils craignent d’etre transportes et vendus dans les iles.—Au physique, tous ces noirs sont generalement vigoureux,[1] d’une forte constitution, capables des travaux les plus penibles; ils sont generalement actifs.—Domestiques, ils sont sobres et fideles.—Ce portrait s’applique aux femmes de cette couleur.—Je n’ai vu faire aucune distinction entr’eux a cet egard et les domestiques blancs, quoique ces derniers les traitent toujours avec mepris, comme etant d’une espece inferieure.—Ceux qui tiennent des boutiques, vivent mediocrement, n’augmentent jamais leurs affaires au-dela d’un certain point. La raison en est simple: quoique partout on traite les noirs avec humanite, les blancs qui ont l’argent, ne sont pas disposes a faire aux noirs des avances, telles qu’elles les missent en etat d’entreprendre le commerce en grand; d’ailleurs, il faut pour ce commerce quelques connoissances preliminaires, il faut faire un noviciat dans un comptoir, et la raison n’a pas encore ouvert aux noirs la porte du comptoir. On ne leur permet pas de s’y asseoir a cote des blancs.—Si donc les noirs sont bornes ici a un petit commerce de detail, n’en accusons pas leur impuissance, mais le prejuge des blancs, qui leur donnent des entraves. Les memes causes empechent les moirs qui vivent a la compagne d’avoir des plantations etendues; celles qu’ils cultivent sont bornees, mais generalement assez bien cultivees: de bons habits, une log house, ou maison de bois en bon etat, des enfans plus nombreux les font remarquer des Europeens voyageurs, et l’oeil du philosophe se plait a considerer ces habitations, ou la tyrannie ne fait point verser de pleurs. Dans cette partie de l’Amerique, les noirs sont certainement heureux; mais ayons le courage de l’avouer, leur bonheur et leurs talens ne sont pas encore au degre ou ils pourroient atteindre.—Il existe encoure un trop grand intervalle entre eux et les blancs, sur-tout dans l’opinion publique, et cette difference humiliante arrete tous les efforts qu’ils feroient pour s’elever. Cette difference se montre par-tout. Par exemple, on admet les noirs aux ecoles publiques; mais ils ne peuvent franchir le seuil d’un college. Quoique libres, quoique independans, ils sont toujours eux-memes accoutumes a se regarder comme au-dessous du blanc; il y a des droits qu’ils n’out pas.[2] Concluons de la qu’on jugeroit mal de l’etendue, de la capacite des noirs, en prenant pour base celle des noirs libres dans les etats du nord.