HEROD SUPPLIANT
Non, non, vous ne voulez pas cela. Vous me dites cela seulement pour me faire de la peine, parce que je vous ai regardee pendant toute la soiree. Eh! bien, oui. Je vous ai regardee pendant toute la soiree. Votre beaute m’a trouble. Votre beaute m’a terriblement trouble, et je vous ai trop regardee. Mais je ne le ferai plus. Il ne faut regarder ni les choses ni les personnes. Il ne faut regarder que dans les miroirs. Car les miroirs ne nous montrent que des masques . . . Oh! Oh! du vin! j’ai soif . . . Salome, Salome, soyons amis. Enfin, voyez . . . Qu’est-ce que je voulais dire? Qu’est-ce que c’etait? Ah! je m’en souviens! . . . Salome! Non, venez plus pres de moi. J’ai peur que vous ne m’entendiez pas . . . Salome, vous connaissez mes paons blancs, mes beaux paons blancs, qui se promenent dans le jardin entre les myrtes et les grands cypres. Leurs becs sont dores, et les grains qu’ils mangent sont dores aussi, et leurs pieds sont teints de pourpre. La pluie vient quand ils crient, et quand ils se pavanent la lune se montre au ciel. Ils vont deux a deux entre les cypres et les myrtes noirs et chacun a son esclave pour le soigner. Quelquefois ils volent a travers les arbres, et quelquefois ils couchent sur le gazon et autour de l’etang. Il n’y a pas dans le monde d’oiseaux si merveilleux. Il n’y a aucun roi du monde qui possede des oiseaux aussi merveilleux. Je suis sur que meme Cesar ne possede pas d’oiseaux aussi beaux. Eh bien! je vous donnerai cinquante de mes paons. Ils vous suivront partout, et au milieu d’eux vous serez comme la lune dans un grand nuage blanc . . . Je vous les donnerai tous. Je n’en ai que cent, et il n’y a aucun roi du monde qui possede des paons comme les miens, mais je vous les donnerai tous. Seulement, il faut me delier de ma parole et ne pas me demander ce que vous m’avez demande.—Salome.
THE TETRARCH’S REMORSE
Salome, pensez a ce que vous faites. Cet homme vient peut-etre de Dieu. Je suis sur qu’il vient de Dieu. C’est un saint homme. Le doigt de Dieu l’a touche. Dieu a mis dans sa bouche des mots terribles. Dans le palais, comme dans le desert, Dieu est toujours avec lui . . . Au moins, c’est possible. On ne sait pas, mais il est possible que Dieu soit pour lui et avec lui. Aussi peut-etre que s’il mourrait, il m’arriverait un malheur. Enfin, il a dit que le jour ou il mourrait il arriverait un malheur a quelqu’un. Ce ne peut etre qu’a moi. Souvenez-vous, j’ai glisse dans le sang quand je suis entre ici. Aussi j’ai entendu un battement d’ailes dans l’air, un battement d’ailes gigantesques. Ce sont de tres mauvais presages. Et il y en avait d’autres. Je suis sur qu’il y en avait d’autres, quoique je ne les aie pas vus. Eh bien! Salome, vous ne voulez pas qu’un malheur m’arrive? Vous ne voulez pas cela.—Salome.