JANE s’amuse a flairer toutes ces horreurs pendant que le pauvre POPPOT danse devant le buffet en attendant l’arlequin ou le demi kilo de charcuterie assortie dans le panier de sa femme.
III.—DEGRINGOLADE.
Elle a degringole. Cela a commence tout doucement en trainant ses savates. Quand une femme degringole elle traine ses savates. C’est une loi universelle. L’on ne degringole pas sans trainer ses savates; l’on ne traine pas ses savates sans degringoler. Ainsi gare aux souliers ecules. O, mais elle est changee, cette pauvre p’tite blonde! La maladie hereditaire des EGOU-OGWASH vient d’etre indiquee. POPPOT, ce brave POPPOT, lui aussi il degringole, il resemble a un reverbere sur le boulevard dont on oublie d’eteindre le gaz. Il est allume du matin au soir.
Ca a commence si gentiment apres que ce bon Steeple-Jack etait tombe du faite de Notre Dame, ou il faisait des reparations. Le pauvre homme a fait cette chute en regardant JANE, qui dansait le cancan sur la Place du Parvis pour choquer ces cretins de Cook-tourists, et pour distraire son mari. C’etait pendant la convalescence de POPPOT que la degringolade a commence. JANE lui donna un de a coudre de vilain cognac, et de ce premier doigt de casse-poitrine a l’ivrognerie brutale n’etait qu’une glissade, presque aussi rapide que la glissade de Notre Dame. POPPOT trainait ses savates; il chomait; il rigolait; il gardait le Saint Lundi; il passait des journees devant le buffet du Petrolium, ce grand cabaret du peuple ou l’on voyait distiller le trois-six pour tout le quartier.
JANE faisait pire que degringoler; elle cascadait. Elle ne se debarbouillait plus. Elle avait pris en horreur le savon. Est-ce une aversion hereditaire, datant de la premiere femme qui a senti la puanteur de cet abominable savon francais, avant la bienfaisante invention de M. POIRES? Sans doute c’etait l’atavisme en quelque forme. Elle avait son beguin. C’etait le linge sale. Plus il etait sale, plus elle en raffolait. Elle ne voulait plus les chemises en batiste fine du Prince de BALEINES. Elle priait les aristos du Jockey Club de donner leurs plastrons a d’autres. Les clients qu’elle preferait etaient les porte-faix, les forts de la halle, les chauffeurs du chemin de fer. C’etait en allant chercher le linge de ces derniers qu’elle entrait sans le savoir dans le Dedale de cette voie ferree qui enlace et ecrase les etres vivants comme les grandes roues des locomotives ecrasent la poussiere de la voie.
Le President du P.L.M. lui aussi avait son beguin hereditaire. Il courait les femmes malpropres. Plus elles ne se debarbouillaient pas, plus il les courait. C’etait innocent. Il les admirait du cote esthetique. Cela tenait de la famille, puis de ce que lui aussi etait de la vieille souche des EGOU-OGWASH. Il s’allumait en lorgnant la figure noircie de cette pauvre JANE, et la rencontrant dans la gare un jour il se permit un pen de flirtage sans penser a mal. Mais par une fatalite, POPPOT, affreusement paf, descendait d’une quatrieme classe au moment ou le vieux baisait la main crasseuse de JANE, en lui disant son gentil bon soir: et des cet instant POPPOT voyait rouge.