A Selection from the Comedies of Marivaux eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 327 pages of information about A Selection from the Comedies of Marivaux.

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M. ORGON.

Paix! voici Lisette.  Voyons ce qu’elle nous veut.

LISETTE.

Monsieur, vous m’avez dit tantot que vous m’abandonniez Dorante, que vous livriez sa tete a ma discretion:  je vous ai pris au mot, j’ai travaille comme pour moi, et vous verrez de l’ouvrage bien fait, allez; c’est une tete bien conditionnee.[206] Que voulez-vous que j’en fasse, a present?  Madame me le[207] cede-t-elle?

M. ORGON.

Ma fille, encore une fois, n’y pretendez-vous rien?

SILVIA,

Non:  je te le donne, Lisette; je te remets tous mes droits, et, pour dire comme toi, je ne prendrai jamais de part[208] a un coeur que je n’aurai pas conditionne moi-meme.

LISETTE.

Quoi? vous voulez bien que je l’epouse?  Monsieur le veut bien aussi?

M. ORGON.

Oui, qu’il s’accommode.[209] Pourquoi t’aime-t-il?

MARIO.

J’y consens aussi, moi.

LISETTE,

Moi aussi, et je vous en remercie tous.

M. ORGON.

Attends; j’y mets pourtant une petite restriction; c’est qu’il faudroit, pour nous disculper de ce qui arrivera, que tu lui dises un peu qui tu es.

LISETTE.

Mais, si je lui dis[210] un peu, il le saura tout-a-fait.

M. ORGON.

Eh bien! cette tete en si bon etat ne soutiendra-t-elle pas cette secousse-la?  Je ne le[211] crois pas de caractere a s’effaroucher la-dessus.

LISETTE.

Le voici qui me cherche; ayez donc la bonte de me laisser le champ libre:  il s’agit ici de mon chef-d’oeuvre.

M. ORGON.

Cela est juste:  retirons-nous.

SILVIA.

De tout mon coeur.

MARIO.

Allons.

SCENE VI.

LISETTE, ARLEQUIN.

ARLEQUIN.

Enfin, ma reine, je vous vois, et je ne vous quitte plus, car j’ai trop pati d’avoir manque de votre presence, et j’ai cru que vous esquiviez la mienne.[212]

LISETTE.

Il faut vous avouer, Monsieur, qu’il en etoit quelque chose.[213]

ARLEQUIN.

Comment donc! ma chere ame, elixir de mon coeur, avez-vous entrepris la fin de ma vie?[214]

LISETTE.

Non, mon cher, la duree m’en est trop precieuse.

ARLEQUIN.

Ah! que ces paroles me fortifient!

LISETTE.

Et vous ne devez point douter de ma tendresse.

ARLEQUIN.

Je voudrois bien pouvoir baiser ces petits mots-la, et les cueillir sur votre bouche avec la mienne.

LISETTE.

Mais vous me pressiez sur notre mariage, et mon pere ne m’avoit pas encore permis de vous repondre.  Je viens de lui parler, et j’ai son aveu pour vous dire que vous pouvez lui demander ma main quand vous voudrez.

ARLEQUIN.

Avant que je la demande a lui,[215] souffrez que je la demande a vous:  je veux lui rendre mes graces[216] de la charite qu’elle aura de vouloir bien entrer dans la mienne, qui en est veritablement indigne.

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