DUBOIS, s’en va en riant.
Allons, voila qui est parfait.
SCENE X.
ARAMINTE, MARTON.
MARTON, triste.
La maniere dont vous m’avez renvoyee il n’y a qu’un moment me montre que je vous suis desagreable, Madame, et je crois vous faire plaisir en vous demandant mon conge.
ARAMINTE, froidement.
Je vous le donne.
MARTON.
Votre intention est-elle que je sorte des aujourd’hui, Madame?
ARAMINTE.
Comme vous voudrez.
MARTON.
Cette aventure-ci est bien triste pour moi!
ARAMINTE.
Oh! point d’explication, s’il vous plait.
MARTON.
Je suis au desespoir!
ARAMINTE, avec impatience.
Est-ce que vous etes fachee de vous en aller?
Eh bien! restez,
Mademoiselle, restez: j’y consens; mais
finissons.
MARTON.
Apres les bienfaits dont vous m’avez comblee, que ferois-je aupres de vous a present que je vous suis suspecte, et que j’ai perdu toute votre confiance?
ARAMINTE.
Mais que voulez-vous que je vous confie? Inventerai-je des secrets pour vous les dire?
MARTON.
Il est pourtant vrai que vous me renvoyez, Madame, D’ou vient ma disgrace.
ARAMINTE.
Elle est dans votre imagination. Vous me demandez votre conge, je vous le donne.
MARTON.
Ah! Madame, pourquoi m’avez-vous exposee au malheur de vous deplaire? J’ai persecute par ignorance l’homme du monde le plus aimable, qui vous aime plus qu’on n’a jamais aime.
ARAMINTE, a part.
Helas.
MARTON.
Et a qui je n’ai rien a reprocher: car il vient de me parler. J’etois son ennemie, et je ne la suis plus. Il m’a tout dit. Il ne m’avoit jamais vue: c’est monsieur Remy qui m’a trompee, et j’excuse Dorante.
ARAMINTE.
A la bonne heure.
MARTON.
Pourquoi avez-vous eu la cruaute de m’abandonner au hasard d’aimer un homme qui n’est pas fait pour moi, qui est digne de vous, et que j’ai jete dans une douleur dont je suis penetree.
ARAMINTE, d’un ton doux.
Tu l’aimois donc, Marton?
MARTON.
Laissons la mes sentiments. Rendez-moi votre amitie comme je l’avois, et je serai contente.
ARAMINTE.
Ah! je te la rends toute entiere.
MARTON, lui baisant la main.
Me voila consolee.
ARAMINTE.
Non, Marton, tu ne l’es pas encore. Tu pleures, et tu m’attendris.
MARTON.
N’y prenez point garde. Rien ne m’est si cher que vous!
ARAMINTE.
Va, je pretends bien te faire oublier tous tes chagrins. Je pense que voici Arlequin.