ARAMINTE.
Ce quelqu’un-la est fort mal conseille. Desabusez-vous: ce n’est point moi qui l’ai fait venir.
DORANTE.
Tout a contribue a me tromper, d’autant plus que mademoiselle Marton vient de m’assurer que dans une heure je ne serois plus ici.
ARAMINTE.
Marton vous a tenu un fort sot discours.
Mme. ARGANTE.
Le terme est encore trop long: il devroit en sortir tout a l’heure.[152]
M. REMY, comme a part.
Voyons par ou cela finira.
ARAMINTE.
Allez, Dorante, tenez-vous en repos; fussiez-vous l’homme du monde qui me convint le moins, vous resteriez; dans cette occasion-ci, c’est a moi-meme que je dois cela; je me sens offensee du procede qu’on a avec moi, et je vais faire dire a cet homme d’affaires qu’il se retire; que ceux qui l’ont amene, sans me consulter, le remmenent, et qu’il n’en soit plus parle.
SCENE VIII.
ARAMINTE, Mme. ARGANTE, M. REMY, LE COMTE, DORANTE, MARTON.
MARTON, froidement.
Ne vous pressez pas de le renvoyer. Madame; voila une lettre de recommandation pour lui, et c’est monsieur Dorante qui l’a ecrite.
ARAMINTE.
Comment!
MARTON, donnant la lettre au Comte.
Un instant, Madame, cela merite d’etre ecoute; la lettre est de Monsieur, vous dis-je.
LE COMTE lit haut.
Je vous conjure, mon cher ami, d’etre demain sur les neuf heures du matin chez vous; j’ai bien des choses a vous dire: je crois que je vais sortir de chez la dame que vous savez; elle ne peut plus ignorer la malheureuse passion que j’ai prise pour elle, et dont je ne guerirai jamais.
Mme. ARGANTE.
De la passion, entendez-vous, ma fille?
LE COMTE lit.
Un miserable ouvrier que je n’attendois pas est venu ici m’apporter la boite de ce portrait que j’ai fait d’elle.
Mme. ARGANTE.
C’est-a-dire que le personnage sait peindre.
LE COMTE lit.
J’etois absent, il l’a laissee a une fille de la maison.
Mme. ARGANTE, a Marton.
Fille de la maison, cela vous regarde.
LE COMTE lit.
On a soupconne que ce portrait m’appartenoit: ainsi je pense qu’on va tout decouvrir, et qu’avec le chagrin d’etre renvoye et de perdre le plaisir de voir tous les jours celle que j’adore...
Mme. ARGANTE.
Que j’adore! ah! que j’adore!
LE COMTE lit.
J’aurai encore celui d’etre meprise d’elle.
Mme. ARGANTE.
Je crois qu’il n’a pas mal devine celui-la, ma fille.
LE COMTE lit.
Non pas a cause de la mediocrite de ma fortune, sorte de mepris dont je n’oserois la croire capable...