DORANTE, a part.
Ne seroit-ce point aussi pour m’eprouver? Dubois ne m’a averti de rien.
SCENE XIV.
ARAMINTE, DORANTE, MARTON.
MARTON.
Je suis bien aise, Madame, de trouver Monsieur ici; il vous confirmera tout de suite ce que j’ai a vous dire. Vous avez offert en differentes occasions de me marier. Madame, et jusqu’ici je ne me suis point trouvee disposee a profiter de vos bontes. Aujourd’hui Monsieur me recherche; il vient meme de refuser un parti infiniment plus riche, et le tout pour moi.: du moins me l’a-t-il laisse croire, et il est a propos qu’il s’explique; mais, comme je ne veux dependre que de vous, c’est de vous aussi, Madame, qu’il faut qu’il m’obtienne. Ainsi, Monsieur, vous n’avez qu’a parler a Madame. Si elle m’accorde a vous, vous n’aurez point de peine a m’obtenir de moi-meme.
(Elle sort.)
SCENE XV.
DORANTE, ARAMlNTE.
ARAMINTE, a part, emue.
Cette folle! (Haut.) Je suis charmee de ce qu’elle vient de m’apprendre. Vous avez fait la un tres bon choix: c’est une fille aimable et d’un excellent caractere.
DORANTE, d’un air abattu.
Helas! Madame, je ne songe point a elle.
ARAMINTE.
Vous ne songez point a elle! Elle dit que vous
l’aimez,
que vous l’aviez vue avant que de[121] venir
ici.
DORANTE, tristement.
C’est une erreur ou monsieur Remy l’a jetee sans me consulter; et je n’ai point ose dire le contraire, dans la crainte de m’en faire une ennemie aupres de vous. Il en est de meme de ce riche parti qu’elle croit que je refuse a cause d’elle, et je n’ai nulle part a tout cela. Je suis hors d’etat de donner mon coeur a personne: je l’ai perdu pour jamais, et la plus brillante de toutes les fortunes ne me tenteroit pas.
ARAMINTE.
Vous avez tort. Il falloit desabuser Marton.
DORANTE.
Elle vous auroit peut-etre empeche de me recevoir, et mon indifference lui en dit assez.
ARAMINTE.
Mais, dans la situation ou vous etes, quel interet aviez-vous d’entrer dans ma maison, et de la preferer a une autre?
DORANTE.
Je trouve plus de douceur a etre chez vous, Madame.
ARAMINTE.
Il y a quelque chose d’incomprehensible dans tout ceci! Voyez-vous souvent la personne que vous aimez?
DORANTE, toujours abattu.
Pas souvent a mon gre, Madame; et je la verrois a tout instant que je ne croirois pas la voir assez.
ARAMINTE, a part.
Il a des expressions d’une tendresse! (Haut.) Est-elle fille? a-t-elle ete mariee?
DORANTE.
Madame, elle est veuve.
ARAMINTE.
Et ne devez-vous pas l’epouser? Elle vous aime, sans doute?