LE GARCON.
C’est ce qui me paroit. La voila, Mademoiselle. Ayez donc, je vous prie, le soin de la lui rendre quand il sera revenu.
MARTON.
Oh! je n’y manquerai pas.
LE GARCON.
Il y a encore une bagatelle qu’il doit dessus,[88] mais je tacherai de repasser tantot, et, s’il n’y etoit pas, vous auriez la bonte d’achever de payer.
MARTON.
Sans difficulte.[89] Allez. (A part.) Voici
Dorante. (Au garcon.)
Retirez-vous vite.
SCENE VIII.
MARTON, DORANTE.
MARTON, un moment seule et joyeuse.
Ce ne peut etre que mon portrait. Le charmant homme! Monsieur Remy a raison de dire qu’il y avoit quelque temps qu’il me connoissoit.
DORANTE.
Mademoiselle, n’avez-vous pas vu ici quelqu’un
qui vient d’arriver?
Arlequin croit que c’est moi qu’il demande.
MARTON, le regardant avec tendresse.
Que vous etes aimable, Dorante! Je serois bien injuste de ne vous pas aimer.[90] Allez, soyez en repos; l’ouvrier est venu, je lui ai parle, j’ai la boite, je la tiens.
DORANTE.
J’ignore...
MARTON.
Point de mystere; je la tiens, vous dis-je, et je ne m’en fache pas. Je vous la rendrai quand je l’aurai vue. Retirez-vous, voici Madame avec sa mere et le Comte; c’est peut-etre de cela qu’ils s’entretiennent. Laissez-moi les calmer la-dessus, et ne les attendez pas.
DORANTE, en s’en allant et riant.
Tout a reussi, elle prend le change a merveille.
SCENE IX.
ARAMINTE, LE COMTE, MME. ARGANTE, MARTON.
ARAMINTE.
Marton, qu’est-ce que c’est qu’un portrait dont monsieur le Comte me parle, qu’on vient d’apporter ici a quelqu’un qu’on ne nomme pas, et qu’on soupconne etre le mien? Instruisez-moi de cette histoire-la.
MARTON, d’un air reveur.
Ce n’est rien, Madame; je vous dirai ce que c’est: je l’ai demele apres que monsieur le Comte a ete parti; il n’a que faire de[91] s’alarmer. Il n’y a rien la qui vous interesse.
LE COMTE.
Comment le savez-vous, Mademoiselle? Vous n’avez point vu le portrait.
MARTON.
N’importe, c’est tout comme si je l’avois vu. Je sais qui il regarde; n’en soyez point en peine.
LE COMTE.
Ce qu’il y a de certain, c’est un portrait de femme,[92] et c’est ici qu’on vient chercher la personne qui l’a fait faire, a qui on doit le rendre, et ce n’est pas moi.
MARTON.
D’accord. Mais quand[93] je vous dis que Madame n’y est pour rien, ni vous non plus.
ARAMINTE.
Eh bien! si vous etes instruite, dites-nous donc de quoi il est question, car je veux le savoir. On a des idees qui ne me plaisent point. Parlez.