LEONIE. De le sauver?
LA COMTESSE. Comment cela?...
MONTRICHARD. Cela dependra de lui ... Je vais lui parler.
LA COMTESSE, avec embarras. Si vous attendiez?... une heure?... une demi-heure ... pour le laisser se remettre d’un premier moment de trouble?
MONTRICHARD. Soyez tranquille ... dans un instant nous serons d’accord, je l’espere, et avant dix minutes ... je saurai sans doute de lui ... tout ce que j’ai besoin de savoir....
LEONIE, a part. Dix minutes, c’est a peine s’il sera parti!
MONTRICHARD, voyant entrer de Grignon avec le dragon. Il va venir; veuillez, mesdames, vous eloigner.
LA COMTESSE. Un moment encore.
MONTRICHARD, severement. C’est mon devoir, comtesse....
LA COMTESSE, s’eloignant avec Leonie. Oh! mon dieu, que faire?
LEONIE. Que craignez-vous donc, ma tante?
LA COMTESSE. Si monsieur de Grignon faiblit ...
LEONIE. N’a-t-il pas du courage?
LA COMTESSE. Un courage qui n’a pas de patience et qui ne dure pas longtemps.... (Elles sortent par la porte a droite. Le dragon s’eloigne apres avoir remis un papier a Montrichard; la comtesse et Leonie sortent en faisant des gestes a de Grignon.)
SCENE IX
MONTRICHARD, DE GRIGNON.
MONTRICHARD. Pauvre jeune homme!... heureusement son salut depend encore de lui.
DE GRIGNON, a part. Je ne suis point a mon aise.
MONTRICHARD, a de Grignon. Approchez, monsieur.
DE GRIGNON. Vous desirez me parler, monsieur le baron?
MONTRICHARD, de meme. Oui, monsieur, encore une fois avant le moment fatal.
DE GRIGNON, a part. Quel moment?
MONTRICHARD, lui montrant le papier que lui a remis le dragon. Vous avez reconnu que vous etiez monsieur Henri de Flavigneul?
DE GRIGNON, avec un soupir. Oui!
MONTRICHARD. Ex-officier au service de l’empereur.
DE GRIGNON. Oui!
MONTRICHARD. Et c’est bien vous qui avez signe cette declaration?
DE GRIGNON, que la peur reprend. Oui!
MONTRICHARD. Il suffit: je n’ai pas besoin de vous dire, monsieur, que vous pouvez compter sur les egards, les prerogatives[182] dues a un brave.
DE GRIGNON. Des prerogatives?...
MONTRICHARD. Oui.... Si vous ne voulez pas qu’on vous bande les yeux, si meme vous voulez commander le feu ... soyez sur ...
DE GRIGNON. Commander le feu ... qu’est-ce que cela veut dire?
MONTRICHARD. Que malheureusement mes ordres sont formels. Vous avez ete deja juge et condamne, l’arret est prononce!... il ne me reste plus qu’a l’executer!... (Gravement.) Une heure apres leur arrestation, tous les chefs doivent etre fusilles sans delai et sans bruit.[183]