MONTRICHARD. Elle sort a l’instant, mademoiselle, mais je serais bien malheureux si son absence me faisait traiter par vous en ennemi!
LEONIE. Moi, vous traiter en ennemi! comment, monsieur....
MONTRICHARD. En vous eloignant.... Mon dieu!... je concois votre defiance ...
LEONIE. Ma defiance?
MONTRICHARD. Sans doute, vous croyez que je viens ici pour vous ravir quelqu’un qui vous est cher!
LEONIE, a part. Il veut me sonder, mais je vais etre fine.... (Haut.) Je ne sais pas ce que vous voulez dire, monsieur.
MONTRICHARD. Ce que je veux dire est bien simple, mademoiselle. Il y a une heure, quand vous m’avez vu arriver ici ... suivi d’hommes armes ... vous avez du me prendre pour votre adversaire. Je l’etais en effet, puisque je croyais monsieur de Flavigneul dans ce chateau, et que je venais pour l’arreter ... mais maintenant tout est change!
LEONIE. Comment?
MONTRICHARD. Je sais ... j’ai la certitude que monsieur de Flavigneul n’est pas ici.
LEONIE. Ah!
MONTRICHARD. Et je pars!
LEONIE, vivement. Tout de suite?
MONTRICHARD, souriant. Tout de suite!... tout de suite!... Savez-vous, mademoiselle, que votre empressement pourrait me donner des soupcons ...
LEONIE, commencant a se troubler. Comment, monsieur?
MONTRICHARD. Certainement! A vous voir si heureuse de mon depart ... je pourrais croire que je me suis trompe ... et que monsieur de Flavigneul est encore ici....
LEONIE, avec agitation. Moi, heureuse de votre depart! au contraire, monsieur le baron; et certainement, si nous pouvions vous retenir longtemps, tres longtemps....
MONTRICHARD, souriant. Permettez, mademoiselle, voila que vous tombez dans l’exces contraire! Tout a l’heure, vous me renvoyiez un peu trop vite, maintenant vous voulez me garder un peu trop longtemps ... ce qui, pour un homme soupconneux, pourrait bien indiquer la meme chose....
LEONIE, avec trouble. Je ne comprends pas ... monsieur le baron.
MONTRICHARD, souriant. Calmez-vous, mademoiselle, calmez-vous! ce sont la de pures suppositions ... car je suis certain que monsieur de Flavigneul n’est pas ou n’est plus dans ce chateau.
LEONIE. Et vous avez bien raison!
MONTRICHARD. Aussi, par pure formalite, et pour acquit de conscience[148] ... (Souriant.) je ne veux pas avoir derange tout un escadron pour rien ... (L’observant.) je vais faire fouiller les bois environnants par les dragons.
LEONIE, tranquillement. Faites, monsieur le baron.
MONTRICHARD, a part. Il n’est pas
dans les bois.... (A Leonie.)
Visiter les combles, les placards,[149] les cheminees
du chateau ...
LEONIE, de meme. C’est votre devoir, monsieur le baron.