Calme, il monte ou jamais nuage n’est
monte;
Il plane a la hauteur de la serenite,
Devant la vision
des spheres;
Elles sont la, faisant le mystere eclatant,
Chacune feu d’un gouffre, et toutes
constatant
Les enigmes par
les lumieres.
Andromede etincelle, Orion resplendit;
L’essaim prodigieux des Pleiades
grandit;
Sirius ouvre son
cratere;
Arcturus, oiseau d’or, scintille
dans son nid;
Le Scorpion hideux fait cabrer au zenith
Le poitrail bleu
du Sagittaire.
L’aeroscaphe voit, comme en face
de lui,
La-haut, Aldebaran par Cephee ebloui,
Persee, escarboucle
des cimes,
Le chariot polaire aux flamboyants essieux,
Et, plus loin, la lueur lactee, o sombres
cieux,
La fourmiliere
des abimes!
Vers l’apparition terrible des soleils,
Il monte; dans l’horreur des espaces
vermeils,
Il s’oriente,
ouvrant ses voiles;
On croirait, dans l’ether ou de
loin on entend,
Que ce vaisseau puissant et superbe, en
chantant,
Part pour une
de ces etoiles;
Tant cette nef, rompant tous les terrestres
noeuds,
Volante, et franchissant le ciel vertigineux,
Reve des blemes
Zoroastres,
Comme effrenee au souffle insense de la
nuit,
Se jette, plonge, enfonce et tombe et
roule et fuit
Dans le precipice
des astres!
Ou donc s’arretera l’homme
seditieux?
L’espace voit, d’un oeil par
moment soucieux,
L’empreinte du talon de l’homme
dans les nues;
Il tient l’extremite des choses
inconnues;
Il epouse l’abime a son argile uni;
Le voila maintenant marcheur de l’infini.
Ou s’arretera-t-il, le puissant
refractaire?
Jusqu’a quelle distance ira-t-il
de la terre?
Jusqu’a quelle distance ira-t-il
du destin?
L’apre Fatalite se perd dans le
lointain;
Toute l’antique histoire affreuse
et deformee
Sur l’horizon nouveau fuit comme
une fumee.
Les temps sont venus. L’homme
a pris possession
De l’air, comme du flot le grebe
et l’alcyon.
Devant nos reves fiers, devant nos utopies
Ayant des yeux croyants et des ailes impies,
Devant tous nos efforts pensifs et haletants,
L’obscurite sans fond fermait ses
deux battants;
Le vrai champ enfin s’offre aux
puissantes algebres;
L’homme vainqueur, tirant le verrou
des tenebres,
Dedaigne l’ocean, le vieil infini
mort.
La porte noire cede et s’entre-baille.
Il sort!
O profondeurs! faut-il encor l’appeler l’homme?
L’homme est d’abord monte
sur la bete de somme;
Puis sur le chariot que portent des essieux;
Puis sur la frele barque au mat ambitieux;
Puis quand il a fallu vaincre l’ecueil,
la lame,
L’onde et l’ouragan, l’homme
est monte sur la flamme;
A present l’immortel aspire a l’eternel;
Il montait sur la mer, il monte sur le
ciel.