Il passe, il n’est plus la; qu’est-il
donc devenu?
Il est dans l’invisible, il est
dans l’inconnu;
Il baigne l’homme
dans le songe,
Dans le fait, dans le vrai profond, dans
la clarte,
Dans l’ocean d’en haut plein
d’une verite
Dont le pretre
a fait un mensonge.
Le jour se leve, il va; le jour s’evanouit,
Il va; fait pour le jour, il accepte la
nuit.
Voici l’heure
des feux sans nombre;
L’heure ou, vu du nadir, ce globe
semble, ayant
Son large cone obscur sous lui se deployant,
Une enorme comete
d’ombre.
La brume redoutable emplit au loin les
airs.
Ainsi qu’au crepuscule on voit,
le long des mers,
Le pecheur, vague
comme un reve,
Trainant, dernier effort d’un long
jour de sueurs,
Sa nasse ou les poissons font de pales
lueurs,
Aller et venir
sur la greve.
La Nuit tire du fond des gouffres inconnus
Son filet ou luit Mars, ou rayonne Venus,
Et, pendant que
les heures sonnent,
Ce filet grandit, monte, emplit le ciel
des soirs,
Et dans ses mailles d’ombre et dans
ses reseaux noirs
Les constellations
frissonnent.
L’aeroscaphe suit son chemin; il
n’a peur
Ni des pieges du soir, ni de l’acre
vapeur,
Ni du ciel morne
ou rien ne bouge,
Ou les eclairs, luttant au fond de l’ombre
entre eux,
Ouvrent subitement dans le nuage affreux
Des cavernes de
cuivre rouge.
Il invente une route obscure dans les
nuits;
Le silence hideux de ces lieux inouis
N’arrete
point ce globe en marche;
Il passe, portant l’homme et l’univers
en lui;
Paix! gloire! et, comme l’eau jadis,
l’air aujourd’hui
Au-dessus de ses
flots voit l’arche.
Le saint navire court par le vent emporte
Avec la certitude et la rapidite
Du javelot cherchant
la cible;
Rien n’en tombe, et pourtant il
chemine en semant;
Sa rondeur, qu’on distingue en haut
confusement,
Semble un ventre
d’oiseau terrible.
Il vogue; les brouillards sous lui flottent
dissous;
Ses pilotes penches regardent, au-dessous
Des nuages ou
l’ancre traine,
Si, dans l’ombre, ou la terre avec
l’air se confond,
Le sommet du mont Blanc ou quelque autre
bas-fond
Ne vient pas heurter
sa carene.
La vie est sur le pont du navire eclatant.
Le rayon l’envoya, la lumiere l’attend.
L’homme y fourmille, l’homme
invincible y flamboie.
Point d’armes; un fier bruit de
puissance et de joie;
Le cri vertigineux de l’exploration!
Il court, ombre, clarte, chimere, vision!
Regardez-le pendant qu’il passe,
il va si vite!
Comme autour d’un soleil un systeme
gravite,
Une sphere de cuivre enorme fait marcher
Quatre globes ou pend un immense plancher;
Elle respire et fuit dans les vents qui