La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  Trouvant les tremblements de terre trop frequents,
  Les rois d’Espagne ont fait baptiser les volcans
  Du royaume qu’ils ont en dessous de la sphere;
  Les volcans n’ont rien dit et se sont laisse faire,
  Et le Momotombo lui seul n’a pas voulu. 
  Plus d’un pretre en surplis, par le Saint-Pere elu,
  Portant le sacrement que l’Eglise administre,
  L’oeil au ciel, a monte la montagne sinistre;
  Beaucoup y sont alles, pas un n’est revenu.

  O vieux Momotombo, colosse chauve et nu,
  Qui songes pres des mers, et fais de ton cratere
  Une tiare d’ombre et de flamme a la terre,
  Pourquoi, lorsqu’a ton seuil terrible nous frappons,
  Ne veux-tu pas du Dieu qu’on t’apporte?  Reponds.

  La montagne interrompt son crachement de lave,
  Et le Momotombo repond d’une voix grave: 

  —­Je n’aimais pas beaucoup le dieu qu’on a chasse. 
  Cet avare cachait de l’or dans un fosse;
  Il mangeait de la chair humaine; ses machoires
  Etaient de pourriture et de sang toutes noires;
  Son antre etait un porche au farouche carreau,
  Temple-sepulcre orne d’un pontife-bourreau;
  Des squelettes riaient sous ses pieds; les ecuelles
  Ou cet etre buvait le meurtre etaient cruelles;
  Sourd, difforme, il avait des serpents au poignet;
  Toujours entre ses dents un cadavre saignait;
  Ce spectre noircissait le firmament sublime. 
  J’en grondais quelquefois au fond de mon abime. 
  Aussi, quand sont venus, fiers sur les flots tremblants,
  Et du cote d’ou vient le jour, des hommes blancs,
  Je les ai bien recus, trouvant que c’etait sage. 
  L’ame a certainement la couleur du visage,
  Disais-je, l’homme blanc, c’est comme le ciel bleu,
  Et le dieu de ceux-ci doit etre un tres bon dieu. 
  On ne le verra point de meurtres se repaitre.—­
  J’etais content; j’avais horreur de l’ancien pretre. 
  Mais quand j’ai vu comment travaille le nouveau,
  Quand j’ai vu flamboyer, ciel juste! a mon niveau,
  Cette torche lugubre, apre, jamais eteinte,
  Sombre, que vous nommez l’Inquisition sainte;
  Quand j’ai pu voir comment Torquemada s’y prend
  Pour dissiper la nuit du sauvage ignorant,
  Comment il civilise, et de quelle maniere
  Le saint office enseigne et fait de la lumiere;
  Quand j’ai vu dans Lima d’affreux geants d’osier,
  Pleins d’enfants, petiller sur un large brasier,
  Et le feu devorer la vie, et les fumees
  Se tordre sur les seins des femmes allumees;
  Quand je me suis senti parfois presque etouffe
  Par l’acre odeur qui sort de votre auto-da-fe,
  Moi qui ne brulais rien que l’ombre en ma fournaise,
  J’ai pense que j’avais eu tort d’etre bien aise;
  J’ai regarde de pres le dieu de l’etranger,
  Et j’ai dit:—­Ce n’est pas la peine de changer.

LA CHANSON DES AVENTURIERS DE LA MER

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