TOUTES LES FAIMS SATISFAITES
C’est que les noirs oiseaux de l’ombre
ont eu raison,
C’est que l’orfraie a bien
flaire la trahison,
C’est qu’un fourbe a surpris
le vaillant sans defense,
C’est qu’on vient d’ecraser
la vieillesse et l’enfance.
En vain quelques soldats fideles ont voulu
Resister, a l’abri d’un creneau
vermoulu;
Tous sont morts; et de sang les dalles
sont trempees,
Et la hache, l’estoc, les masses,
les epees
N’ont fait grace a pas un, sur l’ordre
que donna
Le roi d’Arle au prevot Sixte Malaspina.
Et, quant aux plus mutins, c’est
ainsi que les nomme
L’aventurier royal fait empereur
par Rome,
Trente sur les crochets et douze sur le
pal
Expirent au-dessus du porche principal.
Tandis qu’en joyeux chants les vainqueurs
se repandent,
Aupres de ces poteaux et de ces croix
ou pendent
Ceux que Malaspina vient de supplicier,
Corbeaux, hiboux, milans, tout l’essaim
carnassier,
Venus des monts, des bois, des cavernes,
des havres,
S’abattent par volee, et font sur
les cadavres
Un banquet, moins hideux que celui d’a
cote.
Ah! le vautour est triste a voir, en verite,
Dechiquetant sa proie et planant; on s’effraie
Du cri de la fauvette aux griffes de l’orfraie;
L’epervier est affreux rongeant
des os brises;
Pourtant, par l’ombre immense on
les sent excuses,
L’impenetrable faim est la loi de
la terre,
Et le ciel, qui connait la grande enigme
austere,
La nuit, qui sert de fond au guet mysterieux
Du hibou promenant la rondeur de ses yeux
Ainsi qu’a l’araignee ouvrant
ses pales toiles,
Met a ce festin sombre une nappe d’etoiles;
Mais l’etre intelligent, le fils
d’Adam, l’elu
Qui doit trouver le bien apres l’avoir
voulu,
L’homme exterminant l’homme
et riant, epouvante,
Meme au fond de la nuit, l’immensite
vivante,
Et, que le ciel soit noir ou que le ciel
soit bleu,
Cain tuant Abel est la stupeur de Dieu.
XII
QUE C’EST FABRICE QUI EST UN TRAITRE
Un homme qu’un piquet de lansquenets
escorte,
Qui tient une banniere inclinee, et qui
porte
Une jacque de vair taillee en eventail,
Un heraut, fait ce cri devant le grand
portail:
’Au nom de l’empereur clement
et plein de gloire,
—Dieu le protege!—peuple!
il est pour tous notoire
Que le traitre marquis Fabrice d’Albenga
Jadis avec les gens des villes se ligna,
Et qu’il a maintes fois guerroye
le Saint-Siege;
C’est pourquoi l’empereur
tres clement,—Dieu protege
L’empereur!—le citant
a son haut tribunal,
A pris possession de l’etat de Final.’
L’homme ajoute, dressant sa banniere
penchee:
—Qui me contredira, soit sa
tete tranchee,
Et ses biens confisques a l’empereur.
J’ai dit.