Le luth lascif s’accouple aux feroces
cymbales;
Le cynique baiser cherche a se prodiguer;
Il semble qu’on pourrait a peine distinguer
De ces hommes les loups, les chiennes de ces femmes;
A travers l’ombre, on voit toutes les soifs infames,
Le desir, l’instinct vil, l’ivresse aux cris hagards,
Flamboyer dans l’etoile horrible des regards.
Le cynique baiser cherche a se prodiguer;
Il semble qu’on pourrait a peine distinguer
De ces hommes les loups, les chiennes de ces femmes;
A travers l’ombre, on voit toutes les soifs infames,
Le desir, l’instinct vil, l’ivresse aux cris hagards,
Flamboyer dans l’etoile horrible des regards.
Quelque chose de rouge entre les dalles
fume;
Mais, si tiede que soit cette douteuse
ecume,
Assez de barils sont eventres et creves
Pour que ce soit du vin qui court sur
les paves.
Est-ce une vaste noce? est-ce un deuil
morne et triste?
On ne sait pas a quel denoument on assiste,
Si c’est quelque affreux monde a
la terre etranger,
Si l’on voit des vivants ou des
larves manger,
Et si ce qui dans l’ombre indistincte
surnage
Est la fin d’un festin ou la fin
d’un carnage.
Par moments, le tambour, le cistre, le clairon,
Font ces rages de bruit qui rendaient fou Neron.
Ce tumulte rugit, chante, boit, mange, rale,
Sur un trone est assis Ratbert, content et pale.
C’est, parmi le butin, les
chants, les arcs de fleurs,
Dans un antre de rois un Louvre de voleurs.
* * * * *
Les grands brasiers, ouvrant leur gouffre d’etincelles,
Font resplendir les ors d’un chaos de vaisselles;
On ebreche aux moutons, aux lievres montagnards,
Aux faisans, les couteaux tout a l’heure poignards;
Sixte Malaspina, derriere le roi, songe;
Toute levre se rue a l’ivresse et s’y plonge;
On acheve un mourant en percant un tonneau;
L’oeil croit, parmi les os de chevreuil et d’agneau,
Aux tremblantes clartes que les flambeaux prolongent,
Voir des profils humains dans ce que les chiens rongent;
Des chanteurs grecs, portant des images d’etain
Sur leurs chapes, selon l’usage byzantin,
Chantent Ratbert, cesar, roi, vainqueur, dieu, genie;
On entend sous les bancs des soupirs d’agonie;
Une odeur de tuerie et de cadavres frais
Se mele au vague encens brulant dans les coffrets
Et les boites d’argent sur des trepieds de nacre,
Les pages, les valets, encor chauds du massacre,
Servent dans le banquet leur empereur ravi
Et sombre, apres l’avoir dans le meurtre servi;
Sur le bord des plats d’or on voit des mains sanglantes,
Ratbert s’accoude avec des poses indolentes;
Au-dessus du festin, dans le ciel blanc du soir,
De partout, des hanaps, du buffet, du dressoir,
Des plateaux ou les paons ouvrent leurs larges queues,
Des ecuelles ou brule un philtre aux lueurs bleues,
Des verres, d’hypocras et de vils ecumants,
Des bouches des buveurs, des bouches des amants,
S’eleve une vapeur gaie, ardente, enflammee,
Et les ames des morts sont dans cette fumee.