Le soir vient, le soleil descend dans
son brasier;
Et voila qu’au penchant des mers,
sur les collines,
Partout, les milans roux, les chouettes
felines,
L’autour glouton, l’orfraie
horrible dont l’oeil luit
Avec du sang le jour, qui devient feu
la nuit,
Tous les tristes oiseaux mangeurs de chair
humaine,
Fils de ces vieux vautours nes de l’aigle
romaine
Que la louve d’airain aux cirques
appela,
Qui suivaient Marius et connaissaient
Sylla,
S’assemblent; et les uns, laissant
un crane chauve,
Les autres, aux gibets essuyant leur bec
fauve,
D’autres, d’un mat rompu quittant
les noirs agres,
D’autres, prenant leur vol du mur
des lazarets,
Tous, joyeux et criant, en tumulte et
sans nombre,
Ils se montrent Final, la grande cime
sombre
Qu’Othon, fils d’Aleram le
Saxon, crenela,
Et se disent entre eux: Un empereur
est la!
X
SUITE DE LA JOIE
Cloche; acclamations; gemissements; fanfares;
Feux de joie; et les tours semblent toutes
des phares,
Tant on a, pour feter ce jour grand a
jamais,
De brasiers frissonnants encombre leurs
sommets.
La table colossale en plein air est dressee.
Ce qu’on a sous les yeux repugne
a la pensee
Et fait peur; c’est la joie effrayante
du mal;
C’est plus que le demon, c’est
moins que l’animal;
C’est la cour du donjon tout entiere
rougie
D’une prodigieuse et tenebreuse
orgie;
C’est Final, mais Final vaincu,
tombe, fletri;
C’est un chant dans lequel semble
se tordre un cri;
Un gouffre ou les lueurs de l’enfer
sont voisines
Du rayonnement calme et joyeux des cuisines;
Le triomphe de l’ombre, obscene,
effronte, cru;
Le souper de Satan dans un reve apparu.
A l’angle de la cour, ainsi qu’un
temoin sombre,
Un squelette de tour, formidable decombre,
Sur son faite vermeil d’ou s’enfuit
le corbeau,
Dresse et secoue aux vents, brulant comme
un flambeau,
Tout le branchage et tout le feuillage
d’un orme;
Valet geant portant un chandelier enorme.
Le drapeau de l’empire, arbore sur
ce bruit,
Gonfle son aigle immense au souffle de
la nuit.
Tout un cortege etrange est la; femmes
et pretres;
Prelats parmi les ducs, moines parmi les
reitres;
Les crosses et les croix d’eveques,
au milieu
Des piques et des dards, melent aux meurtres
Dieu,
Les mitres figurant de plus gros fers
de lance.
Un tourbillon d’horreur, de nuit,
de violence,
Semble emplir tous ces coeurs; que disent-ils
entre eux,
Ces hommes? En voyant ces convives
affreux,
On doute si l’aspect humain est
veritable;
Un sein charmant se dresse au-dessus de
la table,
On redoute au-dessous quelque corps tortueux;
C’est un de ces banquets du monde
monstrueux
Qui regne et vit depuis les Heliogabales;