La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  La cloche de Final tinte, et c’est ce matin
  Que du noble empereur on attend la visite.

  On arrache des tours la ronce parasite;
  On blanchit a la chaux en hate les grands murs;
  On range dans la cour des plateaux de fruits murs;
  Des grenades venant des vieux monts Alpujarres,
  Le vin dans les barils et l’huile dans les jarres;
  L’herbe et la sauge en fleur jonchent tout l’escalier;
  Dans la cuisine un feu rotit un sanglier;
  On voit fumer les peaux des betes qu’on ecorche;
  Et tout rit; et l’on a tendu sous le grand porche
  Une tapisserie ou Blanche d’Est jadis
  A brode trois heros, Macchabee, Amadis,
  Achille, et le fanal de Rhode, et le quadrige
  D’Aetius, vainqueur du peuple latobrige,
  Et, dans trois medaillons marques d’un chiffre en or,
  Trois poetes, Platon, Plaute et Scaeva Memor. 
  Ce tapis autrefois ornait la grande chambre;
  Au dire des vieillards, l’effrayant roi sicambre,
  Witikind, l’avait fait clouer en cet endroit,
  De peur que dans leur lit ses enfants n’eussent froid.

VIII

LA TOILETTE D’ISORA

  Cris, chansons; et voila ces vieilles tours vivantes. 
  La chambre d’Isora se remplit de servantes;
  Pour faire un digne accueil au roi d’Arle, on revet
  L’enfant de ses habits de fete; a son chevet,
  L’aieul, dans un fauteuil d’orme incruste d’erable,
  S’assied, songeant aux jours passes, et, venerable,
  Il contemple Isora, front joyeux, cheveux d’or,
  Comme les cherubins peints dans le corridor,
  Regard d’enfant Jesus que porte la madone,
  Joue ignorante ou dort le seul baiser qui donne
  Aux levres la fraicheur, tous les autres etant
  Des flammes, meme, helas! quand le coeur est content. 
  Isora est sur le lit assise, jambes nues;
  Son oeil bleu reve avec des lueurs ingenues;
  L’aieul rit, doux reflet de l’aube sur le soir! 
  Et le sein de l’enfant, demi-nu, laisse voir
  Ce bouton rose, germe auguste des mamelles;
  Et ses beaux petits bras ont des mouvements d’ailes. 
  Le veteran lui prend les mains, les rechauffant;
  Et, dans tout ce qu’il dit aux femmes, a l’enfant,
  Sans ordre, en en laissant deviner davantage,
  Espece de murmure enfantin du grand age,
  Il semble qu’on entend parler toutes les voix
  De la vie, heur, malheur, a present, autrefois,
  Deuil, espoir, souvenir, rire et pleurs, joie et peine;
  Ainsi, tous les oiseaux chantent dans le grand chene.

  —­Fais-toi belle; un seigneur va venir; il est bon;
  C’est l’empereur; un roi, ce n’est pas un barbon
  Comme nous; il est jeune; il est roi d’Arle, en France;
  Vois-tu, tu lui feras ta belle reverence,
  Et tu n’oublieras pas de dire:  monseigneur. 
  Vois tous les beaux cadeaux qu’il nous fait!  Quel bonheur! 
  Tous nos bons paysans viendront, parce qu’on t’aime
  Et tu leur jetteras des sequins d’or, toi-meme,
  De facon que cela tombe dans leur bonnet.

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