Le nonce, s’inclinant, dit au marquis:—Seigneur,
Sa majeste ne fait de visites qu’aux
reines.
Au message emane de ses mains tres sereines
L’empereur joint un don splendide
et triomphant;
C’est un grand chariot plein de
jouets d’enfant;
Isora bat des mains avec des cris de joie.
Le nonce, retournant vers celui qui l’envoie,
Prend conge de l’enfant, et, comme
procureur
Du tres victorieux et tres noble empereur,
Fait le salut qu’on fait aux tetes
souveraines.
—Qu’il soit le bienvenu!
Bas le pont! bas les chaines!
Dit le marquis; sonnez la trompe et l’olifant!—
Et, fier de voir qu’on traite en
reine son enfant,
La joie a rayonne sur sa face loyale.
Or, comme il relisait la lettre imperiale,
Un corbeau qui passait fit de l’ombre
dessus.
—Les oiseaux noirs guidaient
Judas cherchant Jesus;
Sire, vois ce corbeau, dit une sentinelle.
Et, regardant l’oiseau planer sur
la tournelle:
—Bah! dit l’aieul, j’etais
pas plus haut que cela,
Compagnon, deja ce corbeau que voila,
Dans la plus fiere tour de toute la contree
Avait bati son nid, dont on voyait l’entree;
Je le connais; le soir, volant dans la
vapeur,
Il criait; tous tremblaient; mais, loin
d’en avoir peur,
Moi petit, je l’aimais; ce corbeau
centenaire
Etant un vieux voisin de l’astre
et du tonnerre.
VI
LE PERE ET LA MERE
Les marquis de Final ont leur royal tombeau
Dans une cave ou luit, jour et nuit, un
flambeau;
Le soir, l’homme qui met de l’huile
dans les lampes
A son heure ordinaire en descendit les
rampes;
La, mange par les vers dans l’ombre
de la mort,
Chaque marquis aupres de sa marquise dort,
Sans voir cette clarte qu’un vieil
esclave apporte.
A l’endroit meme ou pend la lampe,
sous la porte,
Etait le monument des deux derniers defunts;
Pour raviver la flamme et bruler des parfums,
Le serf s’en approcha; sur la funebre
table,
Sculpte tres ressemblant, le couple lamentable
Dont Isora, sa dame, etait l’unique
enfant,
Apparaissait; tous deux, dans cet air
etouffant,
Silencieux, couches cote a cote, statues
Aux mains jointes, d’habits seigneuriaux
vetues,
L’homme avec son lion, la femme
avec son chien.
Il vit que le flambeau nocturne brulait
bien;
Puis, courbe, regarda, des pleurs dans
la paupiere,
Ce pere de granit, cette mere de pierre;
Alors il recula, pale; car il crut voir
Que ces deux fronts, tournes vers la voute
au fond noir,
S’etaient subitement assombris sur
leur couche,
Elle ayant l’air plus triste et
lui l’air plus farouche.
VII
JOIE AU CHATEAU
Une file de longs et pesants chariots
Qui precede ou qui suit les camps imperiaux
Marche la-bas avec des eclats de trompette
Et des cris que l’echo des montagnes
repete.
Un gros de lances brille a l’horizon
lointain.