Parfois Isoretta, que sa grace defend,
S’echappe des l’aurore et
s’en va jouer seule
Dans quelque grande tour qui lui semble
une aieule
Et qui mele, croulante au milieu des buissons,
La legende romane aux souvenirs saxons.
Pauvre etre qui contient toute une fiere
race,
Elle trouble, en passant, le bouc, vieillard
vorace,
Dans les fentes des murs broutant le caprier;
Pendant que derriere elle on voit l’aieul
prier,
—Car il ne tarde pas a venir
la rejoindre,
Et cherche son enfant des qu’il
voit l’aube poindre,—
Elle court, va, revient, met sa robe en
haillons,
Erre de tombe en tombe et suit des papillons,
Ou s’assied, l’air pensif,
sur quelque apre architrave;
Et la tour semble heureuse et l’enfant
parait grave;
La ruine et l’enfance ont de secrets
accords,
Car le temps sombre y met ce qui reste
des morts.
IV UN SEUL HOMME SAIT OU EST CACHE LE TRESOR
Dans ce siecle ou tout peuple a son chef
qui le broie,
Parmi les rois vautours et les princes
de proie,
Certe, on n’en trouverait pas un
qui meprisat
Final, donjon splendide et riche marquisat;
Tous les ans, les alleux, les rentes,
les censives,
Surchargent vingt mulets de sacoches massives;
La grande tour surveille, au milieu du
ciel bleu,
Le sud, le nord, l’ouest et l’est,
et saint Mathieu,
Saint Marc, saint Luc, saint Jean, les
quatre evangelistes,
Sont sculptes et dores sur les quatre
balistes;
La montagne a pour garde, en outre, deux
chateaux,
Soldats de pierre ayant du fer sous leurs
manteaux.
Le tresor, quand du coffre on detache
les boucles,
Semble a qui l’entrevoit un reve
d’escarboucles;
Ce tresor est mure dans un caveau discret
Dont le marquis regnant garde seul le
secret,
Et qui fut autrefois le puits d’une
sachette;
Fabrice maintenant connait seul la cachette;
Le fils de Witikind vieilli dans les combats,
Othon, scella jadis dans les chambres
d’en bas
Vingt caissons dont le fer verrouille
les facades,
Et qu’Anselme plus tard fit remplir
de cruzades,
Pour que dans l’avenir jamais on
n’en manquat;
Le casque du marquis est en or de ducat;
On a sculpte deux rois persans, Narse
et Tigrane,
Dans la visiere aux trous grilles de filigrane,
Et sur le haut cimier, taille d’un
seul onyx,
Un brasier de rubis brule l’oiseau
Phenix;
Et le seul diamant du sceptre pese une
once.
V
LE CORBEAU
Un matin, les portiers sonnent du cor.
Un nonce
Se presente; il apporte, assiste d’un
coureur,
Une lettre du roi qu’on nomme l’empereur;
Ratbert ecrit qu’avant de partir
pour Tarente
Il viendra visiter Isora, sa parente,
Pour lui baiser le front et pour lui faire
honneur.