L’aieul est le marquis d’Albenga,
ce Fabrice
Qui fut bon; cher au patre, aime du laboureur;
Il fut, pour guerroyer le pape ou l’empereur,
Commandeur de la mer et general des villes;
Genes le fit abbe du peuple, et, des mains
viles
Ayant livre l’etat aux rois, il
combattit.
Tout homme aupres de lui jadis semblait
petit;
L’antique Sparte etait sur son visage
empreinte;
La loyaute mettait sa cordiale etreinte
Dans la main de cet homme a bien faire
obstine.
Comme il etait batard d’Othon, dit
le Non-Ne,
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Les rois faisaient dedain de ce fils belliqueux;
Fabrice s’en vengeait en etant plus grand qu’eux.
A vingt ans, il etait blond et beau; ce jeune homme
Avait l’air d’un tribun militaire de Rome;
Comme pour exprimer les detours du destin
Dont le heros triomphe, un graveur florentin
Avait sur son ecu sculpte le labyrinthe;
Les femmes l’admiraient, se montrant avec crainte
La tete de lion qu’il avait dans le dos.
Il a vu les plus fiers, Requesens et Chandos,
Et Robert, avoue d’Arras, sieur de Bethune,
Fuir devant son epee et devant sa fortune;
Les princes palissaient de l’entendre gronder;
Un jour, il a force le pape a demander
Une fuite rapide aux galeres de Genes;
C’etait un grand briseur de lances et de chaines,
Guerroyant volontiers, mais surtout delivrant;
Il a par tous ete proclame le plus grand
D’un siecle fort auquel succede un siecle traitre;
Il a toujours fremi quand des bouches de pretre
Dans les sombres clairons de la guerre ont souffle;
Et souvent de saint Pierre il a tordu la cle
Dans la vieille serrure horrible de l’Eglise.
Sa banniere cherchait la bourrasque et la bise;
Plus d’un monstre a grince des dents sous son talon,
Son bras se roidissait chaque fois qu’un felon
Deformait quelque etat populaire en royaume.
Allant, venant dans l’ombre ainsi qu’un grand fantome,
Fier, levant dans la nuit son cimier flamboyant,
Homme auguste au dedans, ferme au dehors, ayant
En lui toute la gloire et toute la patrie,
Belle ame invulnerable et cependant meurtrie,
Sauvant les lois, gardant les murs, vengeant les droits,
Et sonnant dans la nuit sous tous les coups des rois,
Cinquante ans, ce soldat, dont la tete enfin plie,
Fut l’armure de fer de la vieille Italie,
Et ce noir siecle, a qui tout rayon semble ote,
Garde quelque lueur encor de son cote.
II
LE DEFAUT DE LA CUIRASSE
Maintenant il est vieux; son donjon, c’est
son cloitre;
Il tombe, et, declinant, sent dans son
ame croitre
La confiance honnete et calme des grands
coeurs;
Le brave ne croit pas au lache, les vainqueurs
Sont forts, et le heros est ignorant du