Quand il fut la, gisant et couche sous
la pierre,
Mourad ouvrit les yeux et vit une lumiere;
Sans qu’on put distinguer l’astre
ni le flambeau,
Un eblouissement remplissait son tombeau;
Une aube s’y levait, prodigieuse
et douce;
Et sa prunelle eteinte eut l’etrange
secousse
D’une porte de jour qui s’ouvre
dans la nuit.
Il apercut l’echelle immense qui
conduit
Les actions de l’homme a l’oeil
qui voit les ames;
Et les clartes etaient des roses et des
flammes;
Et Mourad entendit une voix qui disait:
—Mourad, neveu d’Achmet
et fils de Bajazet,
Tu semblais a jamais perdu; ton ame infime
N’etait plus qu’un ulcere
et ton destin un crime;
Tu sombrais parmi ceux que le mal submergea;
Deja Satan etait visible en toi; deja
Sans t’en douter, promis aux tourbillons
funebres
Des spectres sous la voute infame des
tenebres,
Tu portais sur ton dos les ailes de la
nuit;
De ton pas sepulcral l’enfer guettait
le bruit;
Autour de toi montait, par ton crime attiree,
L’obscurite du gouffre ainsi qu’une
maree;
Tu penchais sur l’abime ou l’homme
est chatie;
Mais tu viens d’avoir, monstre,
un eclair de pitie;
Une lueur supreme et desinteressee
A, comme a ton insu, traverse ta pensee,
Et je t’ai fait mourir dans ton
bon mouvement;
Il suffit, pour sauver meme l’homme
inclement,
Meme le plus sanglant des bourreaux et
des maitres,
Du moindre des bienfaits sur le dernier
des etres;
Un seul instant d’amour rouvre l’eden
ferme;
Un pourceau secouru pese un monde opprime;
Viens! le ciel s’offre, avec ses
etoiles sans nombre,
En fremissant de joie, a l’evade
de l’ombre!
Viens! tu fus bon un jour, sois a jamais
heureux.
Entre, transfigure; tes crimes tenebreux,
O roi, derriere toi s’effacent dans
les gloires;
Tourne la tete, et vois blanchir tes ailes
noires.
LA CONFIANCE DU MARQUIS FABRICE
I
ISORA DE FINAL.—FABRICE D’ALBENGA
Tout au bord de la mer de Genes, sur un
mont
Qui jadis vit passer les Francs de Pharamond,
Un enfant, un aieul, seuls dans la citadelle
De Final sur qui veille une garde fidele,
Vivent bien entoures de murs et de ravins;
Et l’enfant a cinq ans et l’aieul
quatre-vingts.
L’enfant est Isora de Final, heritiere
Du fief dont Witikind a trace la frontiere;
L’orpheline n’a plus pres
d’elle que l’aieul.
L’abandon sur Final a jete son linceul;
L’herbe, dont par endroits les dalles
sont couvertes,
Aux fentes des paves fait des fenetres
vertes;
Sur la route oubliee on n’entend
plus un pas;
Car le pere et la mere, helas! ne s’en
vont pas
Sans que la vie autour des enfants s’assombrisse.