C’etait dans l’endroit calme, apaise, solennel,
Ou luit l’astre ideal sous l’ideal nuage,
Au dela de la vie, et de l’heure, et de l’age,
Hors de ce qu’on appelle espace, et des contours
Des songes qu’ici-bas nous nommons nuits et jours;
Lieu d’evidence ou l’ame enfin peut voir les causes,
Ou, voyant le revers inattendu des choses,
On comprend, et l’on dit: C’est bien!—l’autre cote
De la chimere sombre etant la verite;
Lieu blanc, chaste, ou le mal s’evanouit et sombre.
L’etoile en cet azur semble une goutte d’ombre.
Ce qui rayonne la, ce n’est pas
un vain jour
Qui nait et meurt, riant et pleurant tour
a tour,
Jaillissant, puis rentrant dans la noirceur
premiere,
Et, comme notre aurore, un sanglot de
lumiere;
C’est un grand jour divin, regarde
dans les cieux
Par les soleils, comme est le notre par
les yeux;
Jour pur, expliquant tout, quoiqu’il
soit le probleme;
Jour qui terrifierait s’il n’etait
l’espoir meme;
De toute l’etendue eclairant l’epaisseur,
Foudre par l’epouvante, aube par
la douceur.
La, toutes les beautes tonnent epanouies;
La, frissonnent en paix les lueurs inouies;
La, les ressuscites ouvrent leur oeil
beni
Au resplendissement de l’eclair
infini;
La, les vastes rayons passent comme des
ondes.
C’etait sur le sommet du Sinai
des mondes;
C’etait la.
Le
nuage auguste, par moments,
Se fendait, et jetait des eblouissements.
Toute la profondeur entourait cette cime.
On distinguait, avec un tremblement
sublime,
Quelqu’un d’inexprimable au fond de
la clarte.
Et tout fremissait, tout, l’aube et l’obscurite,
Les anges, les soleils, et les etres supremes,
Devant un vague front couvert de diademes.
Dieu meditait.
Celui
qui cree et qui sourit,
Celui qu’en begayant nous appelons
Esprit,
Bonte, Force, Equite, Perfection, Sagesse,
Regarde devant lui, toujours, sans fin,
sans cesse,
Fuir les siecles ainsi que des mouches
d’ete.
Car il est eternel avec tranquillite.
Et dans l’ombre hurlait tout un gouffre, la terre.
En bas, sous une brume epaisse, cette
sphere
Rampait, monde lugubre ou les pales humains
Passaient et s’ecroulaient et se
tordaient les mains.
On apercevait l’Inde et le Nil,
des melees
D’exterminations et de villes brulees,
Et des champs ravages et des clairons
soufflant,
Et l’Europe livide ayant un glaive
au flanc;
Des vapeurs de tombeau, des lueurs de
repaire;
Cinq freres tout sanglants; l’oncle,
le fils, le pere;
Des hommes dans des murs, vivants, quoique
pourris;
Des tetes voletant, mornes chauves-souris,
Autour d’un sabre nu, fecond en
funerailles;
Des enfants eventres soutenant leurs entrailles;