Zeno
Pousse un coin de tapis, tate et prend
un anneau,
Le tire, et le plancher se souleve; un
abime
S’ouvre; il en sort de l’ombre
ayant l’odeur du crime;
Joss marche vers la trappe, et, les yeux
dans les yeux,
Zeno muet la montre a Joss silencieux;
Joss se penche, approuvant de la tete
le gouffre.
XV
LES OUBLIETTES
S’il sortait de ce puits une lueur
de soufre,
On dirait une bouche obscure de l’enfer.
La trappe est large assez pour qu’en
un brusque eclair
L’homme etonne qu’on pousse
y tombe a la renverse;
On distingue les dents sinistres d’une
herse,
Et, plus bas, le regard flotte dans de
la nuit;
Le sang sur les parois fait un rougeatre
enduit;
L’Epouvante est au fond de ce puits
toute nue;
On sent qu’il pourrit la de l’histoire
inconnue,
Et que ce vieux sepulcre, oublie maintenant,
Cuve du meurtre, est plein de larves se
trainant,
D’ombres tatant le mur et de spectres
reptiles.
—Nos aieux ont parfois fait
des choses utiles,
Dit Joss. Et Zeno dit:—Je
connais le chateau;
Ce que le mont Corbus cache sous son manteau,
Nous le savons, l’orfraie et moi;
cette batisse
Est vieille; on y rendait autrefois la
justice.
—Es-tu sur que Mahaud ne se reveille point?
—Son oeil est clos ainsi que
je ferme mon poing;
Elle dort d’une sorte apre et surnaturelle,
L’obscure volonte du philtre etant
sur elle.
—Elle s’eveillera demain au point du jour.
—Dans l’ombre.
—Et que
va dire ici toute la cour,
Quand au lieu d’une femme ils trouveront deux
hommes?
—Tous se prosterneront en sachant qui nous sommes!
—Ou va cette oubliette?
—Aux
torrents, aux corbeaux,
Au neant; finissons.
Ces hommes, jeunes, beaux,
Charmants, sont a present difformes, tant s’efface
Sous la noirceur du coeur le rayon de la face,
Tant l’homme est transparent a l’enfer qui l’emplit.
Ils s’approchent; Mahaud dort comme dans un lit.
—Allons!
Joss la saisit sous les bras, et depose
Un baiser monstrueux sur cette bouche rose;
Zeno, penche devant le grand fauteuil massif,
Prend ses pieds endormis et charmants; et, lascif,
Leve la robe d’or jusqu’a la jarretiere.
Le puits, comme une fosse au fond
d’un cimetiere,
Est la beant.
XVI
CE QU’ILS FONT DEVIENT PLUS DIFFICILE A FAIRE