Que font-ils la, debout et droits?
Qu’attendent-ils?
L’aveuglement remplit l’armet
aux durs sourcils.
L’arbre est la sans la seve et le
heros sans l’ame;
Ou l’on voit des yeux d’ombre
on vit des yeux de flamme;
La visiere aux trous ronds sert de masque
au neant;
Le vide s’est fait spectre et rien
s’est fait geant;
Et chacun de ces hauts cavaliers est l’ecorce
De l’orgueil, du defi, du meurtre
et de la force;
Le sepulcre glace les tient; la rouille
mord
Ces grands casques epris d’aventure
et de mort,
Que baisait leur maitresse auguste, la
banniere;
Pas un brassard ne peut remuer sa charniere;
Les voila tous muets, eux qui rugissaient
tous,
Et, grondant et grincant, rendaient les
clairons fous;
Le heaume affreux n’a plus de cri
dans ses gencives;
Ces armures, jadis fauves et convulsives,
Ces hauberts, autrefois pleins d’un
souffle irrite,
Sont venus s’echouer dans l’immobilite,
Regarder devant eux l’ombre qui
se prolonge,
Et prendre dans la nuit la figure du songe.
Ces deux files, qui vont depuis le morne
seuil
Jusqu’au fond ou l’on voit
la table et le fauteuil,
Laissent entre leurs fronts une ruelle
etroite;
Les marquis sont a gauche et les ducs
sont a droite;
Jusqu’au jour ou le toit que Spignus
crenela,
Charge d’ans, croulera sur leur
tete, ils sont la,
Inegaux face a face, et pareils cote a
cote.
En dehors des deux rangs, en avant, tete
haute,
Comme pour commander le funebre escadron
Qu’eveillera le bruit du supreme
clairon,
Les vieux sculpteurs ont mis un cavalier
de pierre,
Charlemagne, ce roi qui de toute la terre
Fit une table ronde a douze chevaliers.
Les cimiers surprenants, tragiques, singuliers,
Cauchemars entrevus dans le sommeil sans
bornes,
Sirenes aux seins nus, melusines, licornes,
Farouches bois de cerfs, aspics, alerions,
Sur la rigidite des pales morions,
Semblent une foret de monstres qui vegete;
L’un penche en avant, l’autre
en arriere se jette;
Tous ces etres, dragons, cerberes orageux,
Que le bronze et le reve ont crees dans
leurs jeux,
Lions volants, serpents ailes, guivres
palmees,
Faits pour l’effarement des livides
armees,
Especes de demons composes de terreur,
Qui sur le heaume altier des barons en
fureur
Hurlaient, accompagnant la banniere geante,
Sur les cimiers glaces songent, gueule
beante,
Comme s’ils s’ennuyaient,
trouvant les siecles longs;
Et, regrettant les morts saignant sous
les talons,
Les trompettes, la poudre immense, la
bataille,
Le carnage, on dirait que l’Epouvante
baille.
Le metal fait reluire, en reflets durs
et froids,
Sa grande larme au mufle obscur des palefrois;
De ces spectres pensifs l’odeur
des temps s’exhale;
Leur ombre est formidable au plafond de