La niece du dernier marquis, Jean le Frappeur,
Mahaud, est aujourd’hui marquise
de Lusace.
Dame, elle a la couronne, et, femme, elle
a la grace.
Une reine n’est pas reine sans la
beaute.
C’est peu que le royaume, il faut
la royaute.
Dieu dans son harmonie egalement emploie
Le cedre qui resiste et le roseau qui
ploie,
Et, certes, il est bon qu’une femme
parfois
Ait dans sa main les moeurs, les esprits
et les lois,
Succede au maitre altier, sourie au peuple,
et mene,
En lui parlant tout bas, la sombre troupe
humaine;
Mais la douce Mahaud, dans ces temps de
malheur,
Tient trop le sceptre, helas! comme on
tient une fleur;
Elle est gaie, etourdie, imprudente et
peureuse.
Toute une Europe obscure autour d’elle
se creuse;
Et, quoiqu’elle ait vingt ans, on
a beau la prier,
Elle n’a pas encor voulu se marier.
Il est temps cependant qu’un bras
viril l’appuie;
Comme l’arc-en-ciel rit entre l’ombre
et la pluie,
Comme la biche joue entre le tigre et
l’ours,
Elle a, la pauvre belle aux purs et chastes
jours,
Deux noirs voisins qui font une noire
besogne,
L’empereur d’Allemagne et
le roi de Pologne.
VI
LES DEUX VOISINS
Toute la difference entre ce sombre roi
Et ce sombre empereur, sans foi, sans
Dieu, sans loi,
C’est que l’un est la griffe
et que l’autre est la serre;
Tous deux vont a la messe et disent leur
rosaire,
Ils n’en passent pas moins pour
avoir fait tous deux
Dans l’enfer un traite d’alliance
hideux;
On va meme jusqu’a chuchoter a voix
basse,
Dans la foule ou la peur d’en haut
tombe et s’amasse,
L’affreux texte d’un pacte
entre eux et le pouvoir
Qui s’agite sous l’homme au
fond du monde noir;
Quoique l’un soit la haine et l’autre
la vengeance,
Ils vivent cote a cote en bonne intelligence;
Tous les peuples qu’on voit saigner
a l’horizon
Sortent de leur tenaille et sont de leur
facon;
Leurs deux figures sont lugubrement grandies
Par de rouges reflets de sacs et d’incendies;
D’ailleurs, comme David, suivant
l’usage ancien,
L’un est poete, et l’autre
est bon musicien;
Et, les declarant dieux, la renommee allie
Leurs noms dans les sonnets qui viennent
d’Italie.
L’antique hierarchie a l’air
mise en oubli,
Car, suivant le vieil ordre en Europe
etabli,
L’empereur d’Allemagne est
duc, le roi de France
Marquis; les autres rois ont peu de difference;
Ils sont barons autour de Rome, leur pilier,
Et le roi de Pologne est simple chevalier;
Mais dans ce siecle on voit l’exception
unique
Du roi sarmate egal au cesar germanique.
Chacun s’est fait sa part; l’Allemand
n’a qu’un soin,
Il prend tous les pays de terre ferme
au loin;
Le Polonais, ayant le rivage baltique,