sort prince et margrave;
La marquise n’est bonne et le marquis n’est brave
Que s’ils ont respire les funebres parfums
Des siecles dans ce nid des vieux maitres defunts.
Les marquis de Lusace ont une haute tige,
Et leur source est profonde a donner le vertige;
Ils ont pour pere Antee, ancetre d’Attila;
De ce vaincu d’Alcide une race coula;
C’est la race autrefois Payenne, puis chretienne,
De Lechus, de Platon, d’Othon, d’Ursus, d’Etienne,
Et de tous ces seigneurs des rocs et des forets
Bordant l’Europe au nord, flot d’abord, digue apres.
Corbus est double; il est burg au bois, ville en plaine.
Du temps ou l’on montait sur la tour chatelaine,
On voyait, au dela des pins et des rochers,
Sa ville percant l’ombre au loin de ses clochers;
Cette ville a des murs; pourtant ce n’est pas d’elle
Que releve l’antique et noble citadelle;
Fiere, elle s’appartient; quelquefois un chateau
Est l’egal d’une ville; en Toscane, Prato,
Barletta dans la Pouille, et Creme en Lombardie,
Valent une cite, meme forte et hardie;
Corbus est de ce rang. Sur ses rudes parois
Ce burg a le reflet de tous les anciens rois;
Tous leurs evenements, toutes leurs funerailles,
Ont, chantant ou pleurant, traverse ses murailles,
Tous s’y sont maries, la plupart y sont nes;
C’est la que flamboyaient ces barons couronnes;
Corbus est le berceau de la royaute scythe.
Or, le nouveau marquis doit faire une visite
A l’histoire qu’il va continuer. La loi
Veut qu’il soit seul pendant la nuit qui le fait roi.
Au seuil de la foret, un clerc lui donne a boire
Un vin mysterieux verse dans un ciboire,
Qui doit, le soir venu, l’endormir jusqu’au jour;
Puis on le laisse, il part et monte dans la tour;
Il trouve dans la salle une table dressee;
Il soupe et dort; et l’ombre envoie a sa pensee
Tous les spectres des rois depuis le duc Bela:
Nul n’oserait entrer au burg cette nuit-la;
Le lendemain, on vient en foule, on le delivre;
Et, plein des visions du sommeil, encore ivre
De tous ces grands aieux qui lui sont apparus,
On le mene a l’eglise ou dort Borivorus;
L’eveque lui benit la bouche et la paupiere,
Et met dans ses deux mains les deux haches de pierre
Dont Attila frappait juste comme la mort,
D’un bras sur le midi, de l’autre sur le nord.
La marquise n’est bonne et le marquis n’est brave
Que s’ils ont respire les funebres parfums
Des siecles dans ce nid des vieux maitres defunts.
Les marquis de Lusace ont une haute tige,
Et leur source est profonde a donner le vertige;
Ils ont pour pere Antee, ancetre d’Attila;
De ce vaincu d’Alcide une race coula;
C’est la race autrefois Payenne, puis chretienne,
De Lechus, de Platon, d’Othon, d’Ursus, d’Etienne,
Et de tous ces seigneurs des rocs et des forets
Bordant l’Europe au nord, flot d’abord, digue apres.
Corbus est double; il est burg au bois, ville en plaine.
Du temps ou l’on montait sur la tour chatelaine,
On voyait, au dela des pins et des rochers,
Sa ville percant l’ombre au loin de ses clochers;
Cette ville a des murs; pourtant ce n’est pas d’elle
Que releve l’antique et noble citadelle;
Fiere, elle s’appartient; quelquefois un chateau
Est l’egal d’une ville; en Toscane, Prato,
Barletta dans la Pouille, et Creme en Lombardie,
Valent une cite, meme forte et hardie;
Corbus est de ce rang. Sur ses rudes parois
Ce burg a le reflet de tous les anciens rois;
Tous leurs evenements, toutes leurs funerailles,
Ont, chantant ou pleurant, traverse ses murailles,
Tous s’y sont maries, la plupart y sont nes;
C’est la que flamboyaient ces barons couronnes;
Corbus est le berceau de la royaute scythe.
Or, le nouveau marquis doit faire une visite
A l’histoire qu’il va continuer. La loi
Veut qu’il soit seul pendant la nuit qui le fait roi.
Au seuil de la foret, un clerc lui donne a boire
Un vin mysterieux verse dans un ciboire,
Qui doit, le soir venu, l’endormir jusqu’au jour;
Puis on le laisse, il part et monte dans la tour;
Il trouve dans la salle une table dressee;
Il soupe et dort; et l’ombre envoie a sa pensee
Tous les spectres des rois depuis le duc Bela:
Nul n’oserait entrer au burg cette nuit-la;
Le lendemain, on vient en foule, on le delivre;
Et, plein des visions du sommeil, encore ivre
De tous ces grands aieux qui lui sont apparus,
On le mene a l’eglise ou dort Borivorus;
L’eveque lui benit la bouche et la paupiere,
Et met dans ses deux mains les deux haches de pierre
Dont Attila frappait juste comme la mort,
D’un bras sur le midi, de l’autre sur le nord.
Ce jour-la, sur les tours de la ville,
on arbore
Le menacant drapeau du marquis Swantibore
Qui lia dans les bois et fit manger aux
loups
Sa femme et le taureau dont il etait jaloux.
Meme quand l’heritier du trone est
une femme,
Le souper de la tour de Corbus la reclame;
C’est la loi; seulement, la pauvre
femme a peur.
V
LA MARQUISE MAHAUD