Tout vieux qu’il est, il est de la grande tribu;
Le moins fier des oiseaux n’est pas l’aigle barbu.
Qu’importe l’age? il lutte. Il vient de Palestine,
Il n’est point las. Les ans s’acharnent; il s’obstine.
III
DANS LA FORET
Quelqu’un qui s’y serait perdu
ce soir verrait
Quelque chose d’etrange au fond
de la foret;
C’est une grande salle eclairee
et deserte.
Ou? Dans l’ancien manoir de
Corbus.
L’herbe verte,
Le lierre, le chiendent, l’eglantier
sauvageon,
Font, depuis trois cents ans, l’assaut
de ce donjon;
Le burg, sous cette abjecte et rampante
escalade,
Meurt, comme sous la lepre un sanglier
malade;
Il tombe; les fosses s’emplissent
des creneaux;
La ronce, ce serpent, tord sur lui ses
anneaux;
Le moineau franc, sans meme entendre ses
murmures,
Sur ses vieux pierriers morts vient becqueter
les mures;
L’epine sur son deuil prospere insolemment;
Mais, l’hiver, il se venge; alors,
le burg dormant
S’eveille, et, quand il pleut pendant
des nuits entieres,
Quand l’eau glisse des toits et
s’engouffre aux gouttieres,
Il rend grace a l’ondee, aux vents,
et, content d’eux,
Profite, pour cracher sur le lierre hideux
Des bouches de granit de ses quatre gargouilles.
Le burg est aux lichens comme le glaive
aux rouilles;
Helas! et Corbus, triste, agonise.
Pourtant
L’hiver lui plait; l’hiver,
sauvage combattant,
Il se refait, avec les convulsions sombres
Des nuages hagards croulant sur ses decombres,
Avec l’eclair qui frappe et fuit
comme un larron,
Avec des souffles noirs qui sonnent du
clairon,
Une sorte de vie effrayante, a sa taille:
La tempete est la soeur fauve de la bataille;
Et le puissant donjon, feroce, echevele,
Dit: Me voila! sitot que la bise
a siffle;
Il rit quand l’equinoxe irrite le
querelle
Sinistrement, avec son haleine de grele;
Il est joyeux, ce burg, soldat encore
debout,
Quand, jappant comme un chien poursuivi
par un loup,
Novembre, dans la brume errant de roche
en roche,
Repond au hurlement de janvier qui s’approche.
Le donjon crie: En guerre! o tourmente,
es-tu la?
Il craint peu l’ouragan, lui qui
vit Attila.
Oh! les lugubres nuits! Combats dans
la bruine;
La nuee attaquant, farouche, la ruine!
Un ruissellement vaste, affreux, torrentiel,
Descend des profondeurs furieuses du ciel;
Le burg brave la nue; on entend les gorgones
Aboyer aux huit coins de ses tours octogones;
Tous les monstres sculptes sur l’edifice
epars
Grondent, et les lions de pierre des remparts
Mordent la brume, l’air et l’onde,
et les tarasques
Battent de l’aile au souffle horrible
des bourrasques;
L’apre averse en fuyant vomit sur