Personne, eut-il ete de la royale estrade,
Prince, infant, n’eut ose vous dire: Camarade!
Vous eclatiez, avec des rayons jusqu’aux cieux,
Dans une preseance eblouissante aux yeux;
Vous marchiez entoure d’un ordre de bataille;
Aucun sommet n’etait trop haut pour votre taille,
Et vous etiez un fils d’une telle fierte
Que les aigles volaient tous de votre cote.
Vous regardiez ainsi que neants et fumees
Tout ce qui n’etait pas commandement d’armees,
Et vous ne consentiez qu’au nom de general;
Cid etait le baron supreme et magistral;
Vous dominiez tout, grand, sans chef, sans joug, sans digue,
Absolu, lance au poing, panache au front.
Rodrigue
Repondit:—Je n’etais
alors que chez le roi.
Et le scheik s’ecria:—Mais,
Cid, aujourd’hui, quoi,
Que s’est-il donc passe? quel est
cet equipage?
J’arrive, et je vous trouve en veste,
comme un page,
Dehors, bras nus, nu-tete, et si petit
garcon
Que vous avez en main l’auge et
le cavecon!
Et faisant ce qu’il sied aux ecuyers
de faire!
—Scheik, dit le Cid, je suis maintenant chez mon pere.
EVIRADNUS
I
DEPART DE L’AVENTURIER POUR L’AVENTURE
Qu’est-ce que Sigismond et Ladislas
ont dit?
Je ne sais si la roche ou l’arbre
l’entendit;
Mais, quand ils ont tout bas parle dans
la broussaille,
L’arbre a fait un long bruit de
taillis qui tressaille,
Comme si quelque bete en passant l’eut
trouble,
Et l’ombre du rocher tenebreux a
semble
Plus noire, et l’on dirait qu’un
morceau de cette ombre
A pris forme et s’en est alle dans
le bois sombre,
Et maintenant on voit comme un spectre
marchant
La-bas dans la clarte sinistre du couchant.
Ce n’est pas une bete en son gite
eveillee,
Ce n’est pas un fantome eclos sous
la feuillee,
Ce n’est pas un morceau de l’ombre
du rocher
Qu’on voit la-bas au fond des clairieres
marcher;
C’est un vivant qui n’est
ni stryge ni lemure;
Celui qui marche la, couvert d’une
apre armure,
C’est le grand chevalier d’Alsace,
Eviradnus.
Ces hommes qui parlaient, il les a reconnus;
Comme il se reposait dans le hallier,
ces bouches
Ont passe, murmurant des paroles farouches,
Et jusqu’a son oreille un mot est
arrive;
Et c’est pourquoi ce juste et ce
preux s’est leve.
Il connait ce pays qu’il parcourut naguere.
Il rejoint l’ecuyer Gaselin, page
de guerre,
Qui l’attend dans l’auberge,
au plus profond du val,
Ou tout a l’heure il vient de laisser
son cheval
Pour qu’en hate on lui donne a boire,
et qu’on le ferre.
Il dit au forgeron:—Faites
vite. Une affaire
M’appelle.—Il monte en
selle et part.