La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  C’est ainsi qu’on arrive a l’age d’un aieul. 
  Pour moi, j’assiegerai Narbonne a moi tout seul. 
  Je reste ici rempli de joie et d’esperance! 
  Et, quand vous serez tous dans notre douce France,
  O vainqueurs des Saxons et des Aragonais! 
  Quand vous vous chaufferez les pieds a vos chenets,
  Tournant le dos aux jours de guerres et d’alarmes,
  Si l’on vous dit, songeant a tous vos grands faits d’armes
  Qui remplirent longtemps la terre de terreur
  —­Mais ou donc avez-vous quitte votre empereur? 
  Vous repondrez, baissant les yeux vers la muraille: 
  —­Nous nous sommes enfuis le jour d’une bataille,
  Si vite et si tremblants et d’un pas si presse
  Que nous ne savons plus ou nous l’avons laisse!—­

  Ainsi Charles de France appele Charlemagne,
  Exarque de Ravenne, empereur d’Allemagne,
  Parlait dans la montagne avec sa grande voix;
  Et les patres lointains, epars au fond des bois,
  Croyaient en l’entendant que c’etait le tonnerre.

  Les barons consternes fixaient leurs yeux a terre. 
  Soudain, comme chacun demeurait interdit,
  Un jeune homme bien fait sortit des rangs et dit: 

  —­Que monsieur saint Denis garde le roi de France! 
  L’empereur fut surpris de ce ton d’assurance. 
  Il regarda celui qui s’avancait, et vit,
  Comme le roi Sauel lorsque apparut David,
  Une espece d’enfant au teint rose, aux mains blanches,
  Que d’abord les soudards dont l’estoc bat les hanches
  Prirent pour une fille habillee en garcon,
  Doux, frele, confiant, serein, sans ecusson
  Et sans panache, ayant, sous ses habits de serge,
  L’air grave d’un gendarme et l’air froid d’une vierge.

  —­Toi, que veux-tu, dit Charle, et qu’est-ce qui t’emeut?

  —­Je viens vous demander ce dont pas un ne veut,
  L’honneur d’etre, o mon roi, si Dieu ne m’abandonne,
  L’homme dont on dira:  C’est lui qui prit Narbonne.

  L’enfant parlait ainsi d’un air de loyaute,
  Regardant tout le monde avec simplicite.

  Le Gantois, dont le front se relevait tres vite,
  Se mit a rire, et dit aux reitres de sa suite: 
  -He! c’est Aymerillot, le petit compagnon.

  —­Aymerillot, reprit le roi, dis-nous ton nom.

  —­Aymery.  Je suis pauvre autant qu’un pauvre moine. 
  J’ai vingt ans, je n’ai point de paille et point d’avoine,
  Je sais lire en latin, et je suis bachelier. 
  Voila tout, sire.  Il plut au sort de m’oublier
  Lorsqu’il distribua les fiefs hereditaires. 
  Deux liards couvriraient fort bien toutes mes terres,

Mais tout le grand ciel bleu n’emplirait pas mon coeur. 
J’entrerai dans Narbonne et je serai vainqueur. 
Apres, je chatierai les railleurs, s’il en reste.

Charles, plus rayonnant que l’archange celeste,
S’ecria: 

           —­Tu seras, pour ce propos hautain,

Aymery de Narbonne et comte palatin,
Et l’on te parlera d’une facon civile. 
Va, fils!

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