La Légende des Siècles eBook

This eBook from the Gutenberg Project consists of approximately 268 pages of information about La Légende des Siècles.

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  Cependant il chemine; au bout de trois journees
  Il arrive au sommet des hautes Pyrenees. 
  La, dans l’espace immense il regarde en revant;
  Et sur une montagne, au loin, et bien avant
  Dans les terres, il voit une ville tres forte,
  Ceinte de murs avec deux tours a chaque porte. 
  Elle offre a qui la voit ainsi dans le lointain
  Trente maitresses tours avec des toits d’etain,
  Et des machicoulis de forme sarrasine
  Encor tout ruisselants de poix et de resine. 
  Au centre est un donjon si beau, qu’en verite
  On ne le peindrait pas dans tout un jour d’ete. 
  Ses creneaux sont scelles de plomb, chaque embrasure
  Cache un archer dont l’oeil toujours guette et mesure. 
  Ses gargouilles font peur, a son faite vermeil
  Rayonne un diamant gros comme le soleil,
  Qu’on ne peut regarder fixement de trois lieues.

  Sur la gauche est la mer aux grandes ondes bleues,
  Qui jusqu’a cette ville apporte ses dromons.

  Charle, en voyant ces tours tressaille sur les monts.

—­Mon sage conseiller, Naymes, duc de Baviere, Quelle est cette cite pres de cette riviere?  Qui la tient la peut dire unique sous les cieux.  Or, je suis triste, et c’est le cas d’etre joyeux.  Oui, dusse-je rester quatorze ans dans ces plaines, 0 gens de guerre, archers compagnons, capitaines, Mes enfants! mes lions! saint Denis m’est temoin Que j’aurai cette ville avant d’aller plus loin!—­

  Le vieux Naymes frissonne a ce qu’il vient d’entendre.

  —­Alors, achetez-la, car nul ne peut la prendre,
  Elle a pour se defendre, outre ses Bearnais,
  Vingt mille Turcs ayant chacun double harnais. 
  Quant a nous, autrefois, c’est vrai, nous triomphames;
  Mais, aujourd’hui, vos preux ne valent pas des femmes,
  Ils sont tous harasses et du gite envieux,
  Et je suis le moins las, moi qui suis le plus vieux. 
  Sire, je parle franc et je ne farde guere. 
  D’ailleurs, nous n’avons point de machines de guerre;
  Les chevaux sont rendus, les gens rassasies;
  Je trouve qu’il est temps que vous vous reposiez,
  Et je dis qu’il faut etre aussi fou que vous l’etes
  Pour attaquer ces tours avec des arbaletes.

  L’empereur repondit au duc avec bonte: 
  —­Duc, tu ne m’as pas dit le nom de la cite?

  —­On peut bien oublier quelque chose a mon age. 
  Mais, sire, ayez pitie de votre baronnage;
  Nous voulons nos foyers, nos logis, nos amours. 
  C’est ne jouir jamais que conquerir toujours. 
  Nous venons d’attaquer bien des provinces, sire,
  Et nous en avons pris de quoi doubler l’empire. 
  Ces assieges riraient de vous du haut des tours. 
  Ils ont, pour recevoir surement des secours,
  Si quelque insense vient heurter leurs citadelles,
  Trois souterrains creuses par les Turcs infideles,
  Et qui vont, le premier, dans le val de Bastan,
  Le second, a Bordeaux, le dernier, chez Satan.

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