du daim.
—Prends.—Le monstre hesitant que la brume enveloppe
Reprit:—J’aimerais mieux celle de l’antilope.
—Va, prends.—Iblis entra dans son antre et forgea.
Puis il dressa le front.—Est-ce fini deja?
—Non.—Te faut-il encor quelque chose? dit l’Etre.
—Les yeux de l’elephant, le cou du taureau, maitre.
—Prends.—Je demande en outre, ajouta le Rampant,
Le ventre du cancer, les anneaux du serpent,
Les cuisses du chameau, les pattes de l’autruche.
—Prends.—Ainsi qu’on entend l’abeille dans la ruche,
On entendait aller et venir dans l’enfer
Le demon remuant des enclumes de fer.
Nul regard ne pouvait voir a travers la nue
Ce qu’il faisait au fond de la cave inconnue.
Tout a coup, se tournant vers l’Etre, Iblis hurla
—Donne-moi la couleur de l’or. Dieu dit:—Prends-la.
Et, grondant et ralant comme un boeuf qu’on egorge,
Le demon se remit a battre dans sa forge;
Il frappait du ciseau, du pilon, du maillet,
Et toute la caverne horrible tressaillait;
Les eclairs des marteaux faisaient une tempete;
Ses yeux ardents semblaient deux braises dans sa tete;
Il rugissait; le feu lui sortait des naseaux,
Avec un bruit pareil au bruit des grandes eaux
Dans la saison livide ou la cigogne emigre.
Dieu dit:—Que te faut-il encor?—Le bond du tigre.
—Prends.—C’est bien, dit Iblis debout dans son volcan,
Viens m’aider a souffler, dit-il a l’ouragan.
L’atre flambait; Iblis, suant a grosses gouttes,
Se courbait, se tordait, et, sous les sombres voutes,
On ne distinguait rien qu’une sombre rougeur
Empourprant le profil du monstrueux forgeur.
Et l’ouragan l’aidait, etant demon lui-meme.
L’Etre, parlant du haut du firmament supreme,
Dit:—Que veux-tu de plus?—Et le grand paria,
Levant sa tete enorme et triste, lui cria:
—Le poitrail du lion et les ailes de l’aigle.
Et Dieu jeta, du fond des elements qu’il regle,
A l’ouvrier d’orgueil et de rebellion
L’aile de l’aigle avec le poitrail du lion.
Et le demon reprit son oeuvre sous les voiles.
—Quelle hydre fait-il donc? demandaient les etoiles.
Et le monde attendait, grave, inquiet, beant,
Le colosse qu’allait enfanter ce geant.
Soudain, on entendit dans la nuit sepulcrale
Comme un dernier effort jetant un dernier rale;
L’Etna, fauve atelier du forgeron maudit,
Flamboya; le plafond de l’enfer se fendit,
Et, dans une clarte bleme et surnaturelle,
On vit des mains d’Iblis jaillir la sauterelle.
—Prends.—Le monstre hesitant que la brume enveloppe
Reprit:—J’aimerais mieux celle de l’antilope.
—Va, prends.—Iblis entra dans son antre et forgea.
Puis il dressa le front.—Est-ce fini deja?
—Non.—Te faut-il encor quelque chose? dit l’Etre.
—Les yeux de l’elephant, le cou du taureau, maitre.
—Prends.—Je demande en outre, ajouta le Rampant,
Le ventre du cancer, les anneaux du serpent,
Les cuisses du chameau, les pattes de l’autruche.
—Prends.—Ainsi qu’on entend l’abeille dans la ruche,
On entendait aller et venir dans l’enfer
Le demon remuant des enclumes de fer.
Nul regard ne pouvait voir a travers la nue
Ce qu’il faisait au fond de la cave inconnue.
Tout a coup, se tournant vers l’Etre, Iblis hurla
—Donne-moi la couleur de l’or. Dieu dit:—Prends-la.
Et, grondant et ralant comme un boeuf qu’on egorge,
Le demon se remit a battre dans sa forge;
Il frappait du ciseau, du pilon, du maillet,
Et toute la caverne horrible tressaillait;
Les eclairs des marteaux faisaient une tempete;
Ses yeux ardents semblaient deux braises dans sa tete;
Il rugissait; le feu lui sortait des naseaux,
Avec un bruit pareil au bruit des grandes eaux
Dans la saison livide ou la cigogne emigre.
Dieu dit:—Que te faut-il encor?—Le bond du tigre.
—Prends.—C’est bien, dit Iblis debout dans son volcan,
Viens m’aider a souffler, dit-il a l’ouragan.
L’atre flambait; Iblis, suant a grosses gouttes,
Se courbait, se tordait, et, sous les sombres voutes,
On ne distinguait rien qu’une sombre rougeur
Empourprant le profil du monstrueux forgeur.
Et l’ouragan l’aidait, etant demon lui-meme.
L’Etre, parlant du haut du firmament supreme,
Dit:—Que veux-tu de plus?—Et le grand paria,
Levant sa tete enorme et triste, lui cria:
—Le poitrail du lion et les ailes de l’aigle.
Et Dieu jeta, du fond des elements qu’il regle,
A l’ouvrier d’orgueil et de rebellion
L’aile de l’aigle avec le poitrail du lion.
Et le demon reprit son oeuvre sous les voiles.
—Quelle hydre fait-il donc? demandaient les etoiles.
Et le monde attendait, grave, inquiet, beant,
Le colosse qu’allait enfanter ce geant.
Soudain, on entendit dans la nuit sepulcrale
Comme un dernier effort jetant un dernier rale;
L’Etna, fauve atelier du forgeron maudit,
Flamboya; le plafond de l’enfer se fendit,
Et, dans une clarte bleme et surnaturelle,
On vit des mains d’Iblis jaillir la sauterelle.
Et l’infirme effrayant, l’etre
aile, mais boiteux,
Vit sa creation et n’en fut pas
honteux,
L’avortement etant l’habitude
de l’ombre.
Il sortit a mi-corps de l’eternel
decombre,
Et, croisant ses deux bras, arrogant,
ricanant,
Cria dans l’infini:—Maitre,
a toi maintenant!