On y trouvera quelque chose du passe, quelque chose du present et comme un vague mirage de l’avenir. Du reste, ces poemes, divers par le sujet, mais inspires par la meme pensee, n’ont entre eux d’autre noeud qu’un fil, ce fil qui s’attenue quelquefois au point de devenir invisible, mais qui ne casse jamais, le grand fil mysterieux du labyrinthe humain, le Progres.
Comme dans une mosaique, chaque pierre a sa couleur et sa forme propre; l’ensemble donne une figure. La figure de ce livre, on l’a dit plus haut, c’est l’Homme.
Ce volume d’ailleurs, qu’on veuille bien ne pas l’oublier, est a l’ouvrage dont il fait partie, et qui sera mis au jour plus tard, ce que serait a une symphonie l’ouverture. Il n’en peut donner l’idee exacte et complete, mais il contient une lueur de l’oeuvre entiere.
Le poeme que l’auteur a dans l’esprit n’est ici qu’entr’ouvert.
Quant a ce volume pris en lui-meme, l’auteur n’a qu’un mot a en dire. Le genre humain, considere comme un grand individu collectif accomplissant d’epoque en epoque une serie d’actes sur la terre, a deux aspects, l’aspect historique et l’aspect legendaire. Le second n’est pas moins vrai que le premier; le premier n’est pas moins conjectural que le second.
Qu’on ne conclue pas de cette derniere ligne—disons-le en passant—qu’il puisse entrer dans la pensee de l’auteur d’amoindrir la haute valeur de l’enseignement historique. Pas une gloire, parmi les splendeurs du genie humain, ne depasse celle du grand historien philosophe. L’auteur, seulement, sans diminuer la portee de l’histoire, veut constater la portee de la legende. Herodote fait l’histoire, Homere fait la legende.
C’est l’aspect legendaire qui prevaut dans ce volume et qui en colore les poemes. Ces poemes se passent l’un a l’autre le flambeau de la tradition humaine. Quasi cursores. C’est ce flambeau, dont la flamme est le vrai, qui fait l’unite de ce livre. Tous ces poemes, ceux du moins qui resument le passe, sont de la realite historique condensee ou de la realite historique devinee. La fiction parfois, la falsification jamais; aucun grossissement de lignes; fidelite absolue a la couleur des temps et a l’esprit des civilisations diverses. Pour citer des exemples, la Decadence romaine n’a pas un detail qui ne soit rigoureusement exact; la barbarie mahometane ressort de Cantemir, a travers l’enthousiasme de l’historiographe turc, telle qu’elle est exposee dans les premieres pages de Zim-Zizimi et de Sultan Mourad.
Du reste, les personnes auxquelles l’etude du passe est familiere reconnaitront, l’auteur n’en doute pas, l’accent reel et sincere de tout ce livre. Un de ces poemes (Premiere rencontre du Christ avec le tombeau) est tire, l’auteur pourrait dire traduit, de l’evangile. Deux autres (Le Mariage de Roland, Aymerillot) sont des feuillets detaches de la colossale epopee du moyen age (Charlemagne, emperor a la barbe florie). Ces deux poemes jaillissent directement des livres de geste de la chevalerie. C’est de l’histoire ecoutee aux portes de la legende.