On voit l’agneau sortir du dragon
fabuleux,
La vierge de l’opprobre, et Marie
aux yeux bleus
De la Venus prostituee;
Le blaspheme devient le psaume ardent
et pur,
L’hymne prend, pour s’en faire
autant d’ailes d’azur,
Tous les haillons
de la huee.
Tout est sauve! La fleur, le printemps
aromal,
L’eclosion du bien, l’ecroulement
du mal,
Fetent dans sa
course enchantee
Ce beau globe eclaireur, ce grand char
curieux,
Qu’Empedocle, du fond des gouffres,
suit des yeux,
Et, du haut des
monts, Promethee!
Le jour s’est fait dans l’antre
ou l’horreur s’accroupit.
En expirant, l’antique univers decrepit,
Larve a la prunelle
ternie,
Gisant, et regardant le ciel noir s’etoiler,
A laisse cette sphere heureuse s’envoler
Des levres de
son agonie.
Oh! ce navire fait le voyage sacre!
C’est l’ascension bleue a
son premier degre,
Hors de l’antique
et vil decombre,
Hors de la pesanteur, c’est l’avenir
fonde;
C’est le destin de l’homme
a la fin evade,
Qui leve l’ancre
et sort de l’ombre!
Ce navire la-haut conclut le grand hymen,
Il mele presque a Dieu l’ame du
genre humain.
Il voit l’insondable,
il y touche;
Il est le vaste elan du progres vers le
ciel;
Il est l’entree altiere et sainte
du reel
Dans l’antique
ideal farouche.
Oh! chacun de ses pas conquiert l’illimite!
Il est la joie; il est la paix; l’humanite
A trouve son organe
immense;
Il vogue, usurpateur sacre, vainqueur
beni,
Reculant chaque jour plus loin dans l’infini
Le point sombre
ou l’homme commence.
Il laboure l’abime; il ouvre ces
sillons
Ou croissaient l’ouragan, l’hiver,
les tourbillons,
Les sifflements
et les huees;
Grace a lui, la concorde est la gerbe
des cieux;
Il va, fecondateur du ciel mysterieux,
Charrue auguste
des nuees.
Il fait germer la vie humaine dans ces
champs
Ou Dieu n’avait encor seme que des
couchants
Et moissonne que
des aurores;
Il entend, sous son vol qui fend les airs
sereins,
Croitre et fremir partout les peuples
souverains,
Ces immenses epis
sonores!
Nef magique et supreme! elle a, rien qu’en
marchant,
Change le cri terrestre en pur et joyeux
chant,
Rajeuni les races
fletries,
Etabli l’ordre vrai, montre le chemin
sur,
Dieu juste! et fait entrer dans l’homme
tant d’azur
Qu’elle
a supprime les patries!
Faisant a l’homme avec le ciel une
cite,
Une pensee avec toute l’immensite,
Elle abolit les
vieilles regles;
Elle abaisse les monts, elle annule les
tours,
Splendide, elle introduit les peuples,
marcheurs lourds,
Dans la communion
des aigles.
Elle a cette divine et chaste fonction
De composer la-haut l’unique nation,
A la fois derniere
et premiere,
De promener l’essor dans le rayonnement,
Et de faire planer, ivre de firmament,
La liberte dans
la lumiere.