Il ramene au vrai ceux que le faux repoussa;
Il fait briller la foi dans l’oeil
de Spinosa
Et l’espoir
sur le front de Hobbe;
Il plane, rassurant, rechauffant, epanchant
Sur ce qui fut lugubre et ce qui fut mechant
Toute la clemence
de l’aube.
Les vieux champs de bataille etaient la
dans la nuit;
Il passe, et maintenant voila le jour
qui luit
Sur ces grands
charniers de l’histoire
Ou les siecles, penchant leur oeil triste
et profond,
Venaient regarder l’ombre effroyable
que font
Les deux ailes
de la victoire.
Derriere lui, Cesar redevient homme; Eden
S’elargit sur l’Erebe, epanoui
soudain;
Les ronces de
lys sont couvertes;
Tout revient, tout renait; ce que la mort
courbait
Refleurit dans la vie, et le bois du gibet
Jette, effraye,
des branches vertes.
Le nuage, l’aurore aux candides
fraicheurs,
L’aile de la colombe, et toutes
les blancheurs,
Composent la-haut
sa magie;
Derriere lui, pendant qu’il fuit
vers la clarte,
Dans l’antique noirceur de la fatalite
Des lueurs de
l’enfer rougie,
Dans ce brumeux chaos qui fut le monde
ancien,
Ou l’allah turc s’accoude
au sphinx egyptien,
Dans la seculaire
gehenne,
Dans la Gomorrhe infame ou flambe un lac
fumant,
Dans la foret du mal qu’eclairent
vaguement
Les deux yeux
fixes de la Haine,
Tombent, sechent, ainsi que des feuillages
morts,
Et s’en vont la douleur, le peche,
le remords,
La perversite
lamentable,
Tout l’ancien joug, de reve et de
crime forge,
Nemrod, Aron, la guerre avec le prejuge,
La boucherie avec
l’etable!
Tous les spoliateurs et tous les corrupteurs
S’en vont; et les faux jours sur
les fausses hauteurs;
Et le taureau
d’airain qui beugle,
La hache, le billot, le bucher devorant,
Et le docteur versant l’erreur a
l’ignorant,
Vil baton qui
trompait l’aveugle!
Et tous ceux qui faisaient, au lieu de
repentirs,
Un rire au prince avec les larmes des
martyrs,
Et tous ces flatteurs
des epees
Qui louaient le sultan, le maitre universel,
Et, pour assaisonner l’hymne, prenaient
du sel
Dans le sac aux
tetes coupees!
Les pestes, les forfaits, les cimiers
fulgurants,
S’effacent, et la route ou marchaient
les tyrans,
Belial roi, Dagon
ministre,
Et l’epine, et la haie horrible
du chemin
Ou l’homme du vieux monde et du
vieux vice humain
Entend beler le
bouc sinistre.
On voit luire partout les esprits sideraux;
On voit la fin du monstre et la fin du
heros,
Et de l’athee
et de l’augure,
La fin du conquerant, la fin du paria;
Et l’on voit lentement sortir Beccaria
De Dracon qui
se transfigure.