Autre anecdote. Il dinait un jour a cote de la princesse de Galles, et se blessa le doigt en voulant couper du pain trop dur. La princesse, pleine de grace, entoura le doigt de son propre mouchoir. Et Dizzy, avec a-propos, de s’exclamer:
“Je leur ai demande du pain, et c’est une pierre qu’ils m’ont donnee.... Mais j’ai eu une princesse pour panser mes plaies.”
Sa mort fut longue et douloureuse. Pendant six semaines elle approcha et s’eloigna tour a tour. Un ami—ce nom est-il bien en situation—trouva le courage de dire a ce propos: “Ah! le voila bien; il exagere: il a toujours exagere.”
Sur Gladstone, Newman et beaucoup d’autres, il faut passer rapidement. Manning a toutefois laisse une grande impression a l’auteur, par sa prestance et sa dignite. Il etait malicieux aussi.
Peu apres la mort de Newman, un article necrologique parut dans une revue, qui etait piquant et meme mechant. Manning fut interroge a ce propos; il declara qu’il plaignait l’auteur de l’avoir ecrit, que celui-ci devait avoir un fort mauvais esprit, etc., mais, ajouta-t-il: “Si vous demandez si c’est bien la Newman, je suis bien oblige de vous le dire; c’est une vraie photographie.”
On peut du reste ouvrir Collections and Recollections au hasard; a toute page c’est un trait curieux et spirituel qui se montre. J’en cite quelques-uns, “tout venant,” comme disent les carriers. Les deux premiers rapportent a Henry Smith, un Irlandais des plus spirituels, qui fut professeur de geometrie a Oxford. Un homme politique eminent, qui est actuellement un des premiers jurisconsultes de son pays, et dont le principal defaut est une suffisance exageree, se presentait aux elections en 1880, comme candidat liberal. Pour le discrediter, ses adversaires politiques le representerent aux elections comme athee; c’etait une manoeuvre. Apprenant cette accusation, Henry Smith s’ecria, avec une indignation feinte:
“Tout cela est faux. Il n’est nullement un athee. Il croit le plus fermement du monde a l’existence d’un etre superieur “—sans ajouter que l’etre superieur, en qui X——croyait, etait X—— lui-meme.
“Que vaut-il le mieux etre, eveque ou juge?” “Oh!” fait Henry Smith, “eveque. Car le juge, au plus, peut dire: ‘Allez vous faire pendre;’ mais l’eveque peut vous damner.” “Oui,” dit le maitre de Balliol, “mais si le juge dit: ‘Allez vous faire pendre,’ vous etes effectivement pendu.” Ici Smith avait le dessous.
Une jolie anecdote dont Napoleon III. n’est pas le heros:
Napoleon III., alors qu’il n’etait que pretendant, et plus riche d’esperances que de monnaie ayant cours legal, frequentait beaucoup, a Londres, chez Lady Blessington, maison plus clinquante que solide. Apres le coup d’Etat, la dame vint a Paris faire un petit voyage, et elle s’attendait a ce que ses politesses lui fussent rendues. Aucune invitation ne venait, l’empereur oubliait les bienfaits recus par le prince. A la fin, pourtant, Lady Blessington reussit a le rencontrer au cours d’une reception quelconque. Il ne put eviter de la voir et l’interpella: “Ah! milady Blessington, restez-vous longtemps a Paris?” “Et vous, Sire?” repliqua-t-elle.