En ce temps le brigandage etait repandu. Une nuit qu’il se rendait de Berkeley a Londres, sa voiture fut arretee par un seigneur de grande route qui, passant sa tete a la portiere, lui dit: “N’etes-vous pas Lord Berkeley?”
“Certainement,” repliqua celui-ci.
“C’est bien vous qui avez declare que vous ne vous rendriez jamais a un voleur de grand chemin qui vous attaquerait seul?”
“Parfaitement.”
“Eh bien!”—et ce disant il braquait un pistolet sur Lord Berkeley—“je suis un de ces voleurs, et je suis seul; je vous demande la bourse ou la vie.”
“Chien couard,” crie Lord Berkeley, “crois-tu donc me tromper? Est-ce que je ne vois pas tes complices caches derriere toi?”
Le voleur se retourne, surpris, pour voir ces complices qu’il ignorait, car il etait reellement seul, et dans ce moment Lord Berkeley lui brule la cervelle.
Courage, et surtout presence d’esprit. Cette anecdote a ete racontee a notre auteur par la propre fille de Lord Berkeley.
La religion n’inspirait qu’un mediocre respect. La faute en etait en partie a ses representants, en partie a l’esprit general. Un pur formalisme, une etiquette mondaine, telle elle etait: rien de plus. Le systeme etait commode; il est reste tel, d’ailleurs, et non pas seulement en Angleterre.
Le mepris des choses religieuses etait naturel, et l’exemple partait de haut. Un des freres du roi, le duc de Cambridge, s’etait fait une specialite dans l’irreverence, en se creant pour lui seul une liturgie, et en repondant personnellement a l’officiant.
“Prions,” disait ce dernier a la congregation.
“Certainement,” faisait observer le duc; “c’est cela; prions.”
Le clergyman commenca. Sans doute, la saison etait fort seche, car il demanda d’abord au ciel d’envoyer de la pluie. Mais le duc l’interrompit:
“Inutile; rien a faire pour le moment, le vent est a l’Est....”
Le service continua par une lecture de la Bible. “Et Zacchee se leva et dit: Vois, Seigneur, je donne la moitie de mes biens aux pauvres ...”
“C’est trop, c’est beaucoup trop,” interrompit le duc; “des privileges, si vous voulez, mais pas le reste.”
On lit les commandements. Le duc les commente. Il en est deux qui le genent:
“C’est tres bien dit; mais il est des cas ou c’est diablement difficile d’obeir.... Ah! pour celui-la, non; c’est mon frere Ernest qui l’a viole; cela ne me regarde pas.”
A ce troupeau grossier, et mene par des pasteurs grossiers, on chercherait avec peine quelques sentiments eleves, en dehors du courage personnel. C’est quelque chose assurement: mais n’est-il pas infiniment plus deshonorant de ne l’avoir point, qu’il n’est honorable de l’avoir? Il ne semble pas qu’il y ait tant a vanter la possession d’un attribut qu’il serait degradant de ne pas posseder: c’est une vertu negative. La condition du peuple etait pitoyable: entre