Les Paskagoulas et les Billoxis n’enterent point leur Chef, lorsqu’il est decede; mais-ils font secher son cadavre au feu et a la fumee de facon qu’ils en font un vrai squelette. Apres l’avoir reduit en cet etat, ils le portent au Temple (car ils en ont un ainsi que les Natchez), et le mettent a la place de son predecesseur, qu’ils tirent de l’endroit qu’il occupoit, pour le porter avec les corps de leurs autres Chefs dans le fond du Temple ou ils sont tous ranges de suite dresses sur leurs pieds comme des statues. A l’egard du dernier mort, il est expose a l’entree de ce Temple sur une espece d’autel ou de table faite de cannes, et couverte d’une natte tres-fine travaillee fort proprement en quarreaux rouges et jaunes avec la peau de ces memes cannes. Le cadavre du Chef est expose au milieu de cette table droit sur ses pieds, soutenu par derriere par une longue perche peinte en rouge dont le bout passe au dessus de sa tete, et a laquelle il est attache par le milieu du corps avec une liane. D’une main il tient un casse-tete ou une petite hache, de l’autre un pipe; et au-dessus de sa tete, est attache au bout de la perche qui le soutient, le Calumet le plus fameux de tous ceux qui lui ont ete presentes pendant sa vie. Du reste cette table n’est gueres elevee de terre que d’un demi-pied; mais elle a au moins six pieds de large et dix de longueur.
C’est sur cette table qu’on vient tous les jours servir a manger a ce Chef mort en mettant devant lui des plats de sagamite, du bled grole ou boucane, &c. C’est-la aussi qu’au commencement de toutes les recoltes ses Sujets vont lui offrir les premiers de tous les fruits qu’ils peuvent recueillir. Tout ce qui lui est presente de la sorte reste sur cette table; et comme la porte de ce Temple est toujours ouverte, qu’il n’y a personne prepose pour y veiller, que par consequent y entre qui veut, et que d’ailleurs il est eloigne du Village d’un grand quart de lieue, il arrive que ce sont ordinairement des Etrangers, Chasseurs ou Sauvages, qui profitent de ces mets et de ces fruits, ou qu’ils sont consommes par les animaux. Mais cela est egal a ces sauvages; et moins il en reste lorsqu’ils retournent le lendemain, plus ils sont dans la joie, disant que leur Chef a bien mange, et que par consequent il est content d’eux quoiqu’il les ait abandonnes. Pour leur ouvrir les yeux sur l’extravagance de cette pratique, on a beau leur representer ce qu’ils ne peuvent s’empecher de voir eux-memes, que ce n’est point ce mort qui mange; ils repondent que si ce n’est pas lui, c’est toujours lui au moins qui offre a qui il lui plait ce qui a ete mis sur la table; qu’apres tout c’etoit la la pratique de leur pere, de leur mere, de leurs parens; qu’ils n’ont pas plus d’esprit qu’eux, et qu’ils ne sauroient mieux faire que de suivre leur example.
C’est aussi devant cette table, que pendant quelques mois la veuve du Chef, ses enfans, ses plus proches parens, viennent de